« Si vous avez un petit ami riche, on vous appelle une croqueuse de diamants. Si vous essayez de vous faire belle, on vous appelle une croqueuse de diamants… Parfois, cette étiquette est utilisée simplement parce que vous acceptez un verre de quelqu’un », a-t-elle ajouté. Un joueur, sous pseudonyme, affirme que « le jeu ne prétend pas que toutes les femmes sont des croqueuses de diamants… Je ne trouve pas qu’il cible un sexe ou l’autre ».
Pourtant, dans le jeu, toutes les personnes considérées comme vénales sont des femmes, de la jeune influenceuse à l’entrepreneuse dynamique. Toutes sont montrées comme des manipulatrices, qui inciteraient les hommes à leur offrir argent et cadeaux. « Tu veux savoir si un homme t’aime ? Regarde combien il dépense », prononce un des personnages. L’une des protagonistes va jusqu’à lancer : « Il est plus obéissant qu’un chien… Si seulement il y avait plus de ces idiots. »
Un jeu qui « exploite l’intense antagonisme entre les sexes »
Comme le rapporte le New York Times, le jeu a suscité l’enthousiasme de jeunes hommes mécontents. L’un d’entre eux, sur le forum communautaire du jeu, a déclaré : « Les hommes ne doivent jamais reculer ; c’est un combat à mort. » Un utilisateur écrit : « Messieurs, réveillez-vous » ; quant à un autre : « Après avoir terminé le jeu, j’ai compris qu’on ne pouvait pas coucher avec une femme comme ça, car on peut être accusé de viol à tout moment. » Les femmes qui se sont exprimées au sujet du jeu craignent qu’il n’encourage les hommes chinois dans le malaise qui est le leur.
Depuis de nombreuses années, les difficultés économiques, le coût élevé du logement, la dégradation du marché du travail, une mobilité sociale limitée, donne à de nombreux Chinois une certaine anxiété, notamment liée aux relations amoureuses, au mariage ou encore à la masculinité, engendrant un sentiment de désespoir émotionnel.
À LIRE AUSSI Comment les réseaux sociaux amplifient la fragmentation idéologique dans nos sociétésSelon un producteur vidéo basé à Pékin, le jeu est un « produit bon marché et opportuniste » qui « exploite très précisément l’intense antagonisme entre les sexes qui balaie actuellement la société chinoise ». La société chinoise estime que les femmes doivent s’occuper de la maison, tout en considérant les hommes comme les principaux soutiens financiers des familles. Le gouvernement réprime par ailleurs un nombre croissant de militants réclamant l’égalité des sexes.
Le jeu fait écho à l’idéologie des « incels » (contraction de « involuntary celibate », littéralement « célibat non désiré »), ces hommes célibataires qui jugent les femmes responsables de leur supposée misère sexuelle. Un « courant » sexiste, misogyne, qui a mené certains de ses membres à tenter de commettre des attentats. Elliot O. Rodger, en 2014, a même tué six personnes avant de se suicider, dans l’un des premiers actes de violence de masse issu de la mouvance incel. D’autres personnes, par la suite, se sont revendiquées de ses paroles et ses actions.
Les créateurs se dédouanent
Revenge on Gold Diggers leur permettrait ainsi de blâmer les femmes, vues comme des manipulatrices vénales, pour leurs échecs amoureux. Le jeu leur apparaît comme une thérapie et une résistance. Un chômeur de 23 ans, vivant chez ses parents à Chongqing, a ainsi expliqué : « Je déteste les femmes, même si j’ai quand même envie de tomber amoureux, ne serait-ce qu’un tout petit peu. »
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Il espère que le jeu pourra apprendre aux hommes comme lui comment se comporter en amour. Il passe la majeure partie de son temps en ligne et a participé au boycott de marques perçues comme défendant le féminisme, selon ses propres propos. La fracture sociétale créée par le jeu est telle qu’il a été rebaptisé, en catimini, « Emotional Anti-Fraud Simulator », soit « simulateur antifraude émotionnelle ». Moins vendeur.
À LIRE AUSSI Les « Incels » ou le radicalisme des frustrésÀ la BBC, les créateurs du jeu se sont défendus de tout sexisme, assurant qu’ils ambitionnaient simplement d’ouvrir un dialogue sur « les zones grises des rencontres modernes ». Ils affirment n’avoir jamais eu l’intention de « cibler les femmes ». Le cinéaste hongkongais Mark Hu, réalisateur du jeu, a été banni de plusieurs plateformes de réseaux sociaux chinoises. Le jeu, lui, est toujours disponible à l’achat.