“C’est vraiment un phénomène, pour moi c’est le meilleur coureur de tous les temps. On le compare souvent à Eddy Merckx, à juste titre.” Il n’y a pas besoin d’être expert en devinettes pour comprendre que David Moncoutié évoque Tadej Pogacar, le seul coureur qui peut s’asseoir à la table d’Eddy Merckx aujourd’hui. Grand animateur de la saison de classiques flandriennes, le champion du monde slovène joue les prolongations et fait durer le plaisir pour les Ardennaises.
Déjà irrésistible sur les monts des Flandres et deuxième derrière un Mathieu Van der Poel sur les pavés de Roubaix, imaginez les dégâts que pourrait faire le Slovène sur un terrain beaucoup plus propice à l’expression de son talent. Le triptyque ardennais : Amstel Gold Race – Flèche Wallonne – Liège-Bastogne-Liège, lui semble déjà presque promis. On peut l’avancer sans trop se mouiller.
égal à merckx, hinault…
Au-delà de cette hégémonie, il ressuscite un exploit que l’on avait plus vu depuis l’époque d’Eddy Merckx, de Bernard Hinault, s’aligner, et avoir son nom en haut de l’affichen sur ces deux types de classiques si différentes et surtout si rapprochées dans le calendrier. Le Cannibale a réalisé deux fois le doublé entre le Ronde et Liège-Bastogne-Liège en 1969 et 1975. D’ailleurs en 1975, Merckx avait pris la 2e place de Paris-Roubaix, comme un certain Tadej Pogacar… Remco Evenepoel ne s’y trompe pas et a loué le talent du Slovène et de son concurrent à venir cette semaine. “Il est sans doute le meilleur coureur depuis Eddy Merckx”, s’est-il risqué jeudi en conférence de presse.
Le Blaireau, quant à lui, a couru la même année à Roubaix et à Liège trois fois en 1979, 1980 et 1981, sans jamais réaliser le doublé. Lorsqu’il gagne à Liège en 1980, il prend la 4e place à Roubaix. Vice-versa l’année suivante, lorsqu’il soulève le pavé dans le Nord, il échoue à la 18e place. Sean Kelly, quant à lui, avait réalisé le doublé Roubaix-Liège en 1984. Les noms cités vous donnent une idée, s’il en fallait encore une, de la table à laquelle Pogacar s’assoit désormais.
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Tadej Pogacar sur Paris-Roubaix 2025
Crédit: Getty Images
Le Slovène a commencé sa quête printanière il y a maintenant bientôt trois semaines sur le Tour des Flandres et l’achèvera un mois plus tard dans les faubourgs de Liège, dimanche prochain. Pour autant, ce n’est pas très étonnant pour notre consultant David Moncoutié. “On voit qu’il n’a pas trop de jours de course (11) et ce ne sont que des grandes, remarque-t-il. Je pense qu’il commence aussi à se connaître, même s’il est encore jeune. Je pense aussi qu’au sein de son équipe, tout est bien programmé pour qu’il arrive à avoir des phases de récupération entre ses objectifs. A partir du moment où il n’est pas malade, il a peu de chutes, il arrive à enchaîner tous ses objectifs.”
On n’en connaît pas beaucoup qui ont réussi à enchaîner et performer sur les Flandriennes et les Ardennaises
Pourtant, l’enchaînement entre les pavés des Flandres et les côtes raides des Ardennes n’est pas légion parmi les coureurs. “On n’en connaît pas beaucoup qui ont réussi à enchaîner à la fois les Flandriennes et les Ardennaises, remarque Jacky Durand, dernier vainqueur français du Tour des Flandres en 1992. Les enchaîner au moins, oui, mais briller sur les différentes manches, peu ont pu le faire. Un coureur comme Van Der Poel s’est d’ailleurs cassé les dents sur les Ardennaises après avoir participé aux Flandriennes.” Le plus grand rival du Slovène a pris la 3e place sur la Doyenne l’an passé, mais avait fait l’impasse sur la Flèche Wallonne après avoir pris la 22e place sur l’Amstel Gold Race.
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Seul dans son monde, le dernier kilomètre de Pogacar à Liège
Video credit: Eurosport
S’il y a bien une course sur les trois où Pogacar aura faim, c’est bien sur Liège-Bastogne-Liège. Un Monument, une course qui peut encore ajouter de la légende à l’histoire qu’il est en train d’écrire. Et l’on voit mal qui pourrait l’en empêcher. Peut-être Remco Evenepoel, vainqueur dès sa reprise vendredi à la Flèche Brabançonne, et qui semble avoir bien préparé son affaire. “Un grand Pogacar comme on connaît depuis un an et demi va être difficilement battable à Liège, notamment. Il va arriver dans un rôle de favori parce qu’on reste sur son terrain. En plus, on n’a pas vraiment trouvé d’adversaire capable de le concurrencer”, analyse David Moncoutié.
à l’assaut du triplé ardennais
Tadej Pogacar se lance aussi cette semaine à l’assaut du triplé ardennais. Entrée, plat, dessert, si l’on veut. Un menu bien copieux, voire indigeste, qui ne fait pas peur au glouton de Komenda qui l’a même dans ses cordes. Il en est passé très près en 2023, avec des victoires sur l’Amstel et la Flèche Wallonne avant de connaître la chute et l’abandon sur la Doyenne, qui sait ce qu’il se serait passé… Cet exploit, seuls Davide Rebellin et Philippe Gilbert l’ont réussi, respectivement en 2004 et en 2011. Mais l’Italien et le Belge ne s’étaient pas farcis les pavés de Roubaix avant, ce qui pourrait jeter le voile du doute sur le défi dans lequel se lance le vainqueur de déjà huit monuments, à seulement 26 ans.
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Philippe Gilbert à l’arrivée à Liège en 2011, dernier coureur en date à avoir réalisé le triplé ardennais
Crédit: Getty Images
“Il y aura peut-être un peu de fatigue des Flandriennes, qu’il a courues à fond, pointe David Moncoutié. On sait que Paris-Roubaix n’est pas une course facile, donc peut-être qu’il aura un petit peu moins de jus dimanche à l’Amstel quand il va se présenter au départ. Après, on sait que même un Pogacar à 95% est capable de gagner. On sera à la fin d’un gros cycle de travail, il y aura peut-être un peu de fatigue physique et mentale.”
Finalement, la conclusion est là. Le plus gros adversaire de Tadej Pogacar, ce sera lui-même et les limites que son corps lui impose. Si tant est qu’il les atteigne, comme lorsqu’il a flanché, à de rares occasions, durant sa carrière. Comme sur l’Enfer du Nord, où il a été totalement au bout de lui-même, la semaine dernière. Une semaine pour écrire l’histoire dans les Ardennes. Ecrire son histoire, encore un peu plus.