(Agence Ecofin) – Déjà implantée en Afrique de l’Ouest, la fintech entre sur le marché camerounais grâce à un partenariat avec la Commercial Bank Cameroun. Cette entrée ouvre la voie à une nouvelle concurrence sur le terrain du mobile money, jusque-là dominé par MTN et Orange.
La Cobac, le régulateur bancaire de l’Afrique centrale, a autorisé le mercredi 11 juin 2025, la Commercial Bank Cameroun (CBC) à lancer un service de paiement mobile, en partenariat avec Wave Transfer S.A.
Cette décision marque l’entrée officielle de la fintech sénégalo-américaine sur le marché camerounais des paiements mobiles. Active dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, elle s’est fait connaître pour ses frais réduits (dépôts et retraits d’argent gratuit via le mobile, et transferts d’argent à 1% de frais), et une application mobile simple.
Wave ne pourra pas opérer de manière indépendante au Cameroun, encore moins émettre directement de la monnaie électronique. Tous les fonds devront transiter par les comptes de CBC, et être sécurisés auprès de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC). Le régulateur impose un reporting mensuel, une interconnexion obligatoire au système GIMAC, pour assurer l’interopérabilité avec d’autres services, une limitation du service aux paiements, transferts, dépôts et retraits.
Une concurrence directe aux opérateurs dominants
Avec cette entrée au Cameroun, CBC et Wave pourraient bousculer un marché dominé depuis longtemps par MTN Mobile Money et Orange Money, avec 12 millions de portefeuilles mobiles actifs, une avance en infrastructure, mais des tarifs plus élevés. L’opérateur public Camtel prévoit aussi le lancement de sa propre solution de paiement mobile en 2025, intensifiant la dynamique concurrentielle sur le marché.
Face à cette concurrence, Wave et CBC ont un atout majeur : des tarifs très bas qui ont renforcé leur présence en Afrique de l’Ouest. Au Cameroun, cela pourrait favoriser une plus grande inclusion financière, notamment chez les populations rurales, une clientèle que la CBC cherche à conquérir.
Pour s’imposer, CBC et Wave devront relever plusieurs défis. Le premier est logistique : mettre en place un réseau d’agents physiques sur tout le territoire national. Ensuite, il faudra convaincre les commerçants et usagers d’accepter leur solution de paiement. Cela dépendra de la fiabilité du service, de sa facilité d’utilisation et de la capacité à répondre aux exigences de conformité imposées par le régulateur.
La structure actuelle oblige Wave à opérer via CBC, contrairement à sa situation en Afrique de l’Ouest où elle détient depuis avril 2022, une licence d’établissement de monnaie électronique (EME) délivrée par la BCEAO. Cette licence lui permet de proposer des services financiers via le mobile au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Au Cameroun, l’usage du mobile money est passé de 29,9% en 2017 à 42,7% en 2022 parmi les personnes âgées de 15 ans ou plus, selon les résultats de la 5e enquête camerounaise auprès des ménages (Ecam 5), rendus publics en avril 2024 par l’Institut national de la statistique. Cette percée du mobile money place le Cameroun en tête dans la zone CEMAC, avec 71% des transactions, soit 1,7 milliard d’opérations et 55% des volumes échangés en 2022, d’après le rapport sur les services de paiement dans cet espace communautaire publié par la BEAC. La GSMA, dans son rapport sur l’état de l’industrie du mobile money en 2025, estime que le mobile money contribue entre 5 et 8% au PIB national du Cameroun, un niveau parmi les plus élevés d’Afrique centrale.
Une expansion régionale en ligne de mire
Fondée en 2018 par Drew Durbin et Lincoln Quirk, deux entrepreneurs américains, Wave est enregistrée aux USA mais opère principalement en Afrique de l’Ouest. Son siège opérationnel est à Dakar, au Sénégal. Elle est active au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Burkina Faso, au Bénin, et désormais au Cameroun. La fintech propose une gamme de services via le mobile : transferts d’argent, paiements de factures, recharges téléphoniques, et achats via mobile.
Avec cette première implantation en Afrique centrale, Wave pourrait élargir son périmètre régional et peut-être obtenir sa propre licence EME. L’évolution dépendra de la réussite de la phase pilote au Cameroun, des volumes enregistrés, et de la réaction du marché. L’année 2025 permettra de mesurer l’impact réel de cette nouvelle offre et de savoir si elle pousse les acteurs historiques à ajuster leur stratégie ou à renforcer leur position.
Chamberline Moko
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