Un grand marché, des conditions de vie agréables, une fiscalité favorable et une population à l’aise avec l’innovation : l’Espagne a de nombreux atouts qui attirent les fintechs tricolores.
L’Espagne, eldorado des fintechs françaises ? D’après l’étude “Pulse of Fintech” publiée par KPMG au mois de février, ces dernières ont un faible pour nos voisins de l’autre côté des Pyrénées. En effet, 48% des fintechs françaises qui se sont implantées à l’étranger sont présentes en Espagne. En termes d’internationalisation, c’est de loin le pays préféré de nos jeunes pousses tricolores. Comment expliquer ce phénomène ?
Il y a d’abord des raisons qui n’ont aucun lien avec le secteur de la fintech. L’Espagne offre des conditions de vie très agréables. Selon Lionel Martin, CTO et country manager Espagne de Lyra, une fintech qui propose des solutions de paiement aux commerçants et qui est présente dans la péninsule ibérique depuis 2015, il ne s’agit pas d’un détail : “Il y a la mer, le soleil et les tapas. C’est plus motivant que Dublin”. Ces belles conditions de vie permettent “d’attirer” les collaborateurs, tout comme la fiscalité des entreprises qui favorise des salaires élevés pour séduire les meilleurs profils : “Les charges patronales et les indemnités chômage sont capées. Le coût général du salaire est plus faible qu’en France donc on peut se permettre de proposer des rémunérations intéressantes”.
Il existe aussi une raison propre à la fintech : en Espagne, le secteur du paiement est très dynamique et innovant. “La population est à l’aise avec la digitalisation des paiements. Les Espagnols utilisent beaucoup les néobanques. C’est l’un des premiers pays en termes de taux de pénétration du paiement mobile et du paiement sans contact”, indique Cédric Cassini, business director de Treezor, un spécialiste français du banking as a service qui s’est implanté en Espagne il y a trois ans.
Même constat pour Aude Vicaire, CEO de Market Pay, une plateforme de paiement et ancienne filiale du groupe Carrefour : “En 2021, lors de notre séparation d’avec Carrefour, nous nous sommes demandés si nous souhaitions développer le marché espagnol. Comme il s’agissait d’un pays très mature sur le paiement, la réponse était oui. En Espagne, les commerçants sont familiarisés avec l’innovation. Ils proposent à leurs clients la solution de paiement instantané Bizum, le DCC (pour dynamic currency conversion, un service qui permet de payer dans la devise de son choix, ndlr) et le Pin Online (qui permet de payer sans contact sans plafond, ndlr). L’Espagne est un marché innovant qui nous challenge sans cesse”.
Le pays est tiré par deux villes en particulier : Madrid et Barcelone. Les deux métropoles “sont en concurrence pour attirer des fintechs”, ce qui crée “une émulation positive”, assure Lionel Martin. “Les velléités d’indépendance à Barcelone ont fait un peu peur aux fintechs” mais cet épisode ressemble désormais à de l’histoire ancienne. Par ailleurs, Barcelone et Madrid font partie des villes qui ont intégré le réseau de la mission French Tech.
Un marché test
Pour résumer, l’Espagne offre des conditions de vie agréables, une fiscalité favorable et une clientèle évangélisée. Et ce n’est même pas fini. Le pays possède aussi d’autres atouts qui séduisent les fintechs françaises : “C’est l’un des plus gros marchés en Europe. Et sur le plan règlementaire, il n’y a pas de grosse différence avec la France”, indique Cédric Cassini. “L’écosystème est dynamique mais la concurrence est peut-être un peu moins dense”. Si on a vanté la forte digitalisation du paiement en Espagne, le pays est peut-être moins avancé sur d’autres verticales, notamment sur le BaaS : “Il existe peu de spécialistes du banking as a service en Espagne donc pour un acteur comme Treezor, il y a forcément des opportunités à saisir”.
Treezor travaille avec six clients en Espagne et collabore avec la mairie de Madrid. De son côté, Lyra a séduit “plusieurs centaines de commerçants espagnols” tandis que Market Pay possède parmi ses clients des retailers bien connus de l’autre côté des Pyrénées comme Unide ou La Despensa. Pour la fintech, ces derniers peuvent même servir de cobaye : “Parfois, on teste des services sur le marché espagnol qu’on exporte ensuite dans les autres pays”, conclut Aude Vicaire.