Avec l’émergence des solutions tout en un, les frontières entre les spécialistes de la gestion financière et comptable des entreprises sont désormais de plus en plus floues.
“Banque et service comptable, bientôt la convergence ?”. Voilà le titre de la chronique écrite par Arthur Waller en 2020 sur notre site. Cinq ans plus tard, on peut dire que le fondateur et CEO de Pennylane avait plutôt vu juste. En effet, les frontières entre les néobanques pour les pros et les fintechs de la comptatech sont de plus en plus floues. Si, évidemment, des nuances existent encore entre ces acteurs, beaucoup d’entre eux semblent prendre une direction similaire : la construction d’une super app pour aider les entreprises à gérer leurs finances et leur comptabilité.
Selon France FinTech, on compte dans l’Hexagone 34 Fintechs spécialistes de la comptabilité et 24 fintechs dédiées aux services bancaires. Mais on peut se demander si cette distinction a encore du sens étant donné que les premières n’hésitent pas à empiéter sur le domaine des secondes et inversement. Par exemple, Pennylane, que l’on rangerait dans la première catégorie, propose des services bancaires comme le compte pro ou des cartes de paiement. Qonto, qui appartient plutôt à la seconde catégorie, propose des outils d’aide à la comptabilité.
A l’image de ces deux exemples marquants, on observe une certaine convergence avec de nombreux services qu’on retrouve chez les uns et les autres. Des fintechs comme Qonto, Shine, Tiime, Pennylane, Indy, Ipaid That, Ivalua ou encore Libeo (pour ne citer qu’elles) proposent chacune des fonctionnalités de facturation, de gestion des dépenses, des outils d’aide à la comptabilité ou des services bancaires (compte pro et/ou cartes de paiement selon les cas). Si des différences existent entre les services proposés, force est de constater que de nombreuses fintechs sont désormais tentées par le “tout en un”. “Il y a sept ou huit ans, on a vu de nombreux acteurs se spécialiser sur une verticale. Avec le temps, ces acteurs ont rajouté plusieurs briques de service”, confirme Alain Clot, président de France FinTech.
BaaS, rachat et partenariat
Pour ajouter des “briques de service”, plusieurs solutions existent, comme les acquisitions et les partenariats. Par exemple, le rachat de Regate a permis à Qonto d’ajouter à sa plateforme un service de pré-comptabilité tandis que son alliance avec Defacto lui permet de proposer des solutions de financement. Le banking as a service permet aussi l’ajout de nouvelles fonctionnalités : “Le BaaS a changé la donne. C’est désormais facile pour tout le monde de proposer des services bancaires”, indique Arthur Waller, CEO de Pennylane (qui s’appuie sur Swan). “C’est clair que développer des services bancaires sans BaaS aurait été bien plus compliqué”, confirme Julien Zakoian, directeur général d’Indy, une fintech qui a commencé par développer des solutions de déclarations fiscales avant de construire elle aussi une super app.
Le BaaS permet aux experts de la comptatech de proposer à leurs clients des cartes de paiement et un compte pro. Et c’est loin d’être anecdotique : “Le compte pro est un véritable levier d’interaction avec le client”, explique Julien Zakoian. “Si le client nous choisit comme compte principal, le compte pro permet de diversifier nos revenus”, ajoute Arthur Waller. Alors, il n’est pas si étonnant de voir des entreprises annoncer une solution de compte pro comme Hero en novembre ou Legalstart en octobre. Le premier est spécialiste du financement BtoB, le second de la création d’entreprise. A priori, aucun d’entre eux n’est expert de la gestion comptable ou financière des entreprises. Vont-ils à leur tour succomber à la tentation de la super app dans les mois à venir ?
Quid des solutions spécialisées ?
Dans ce contexte, on peut se demander si les solutions spécialisées ont encore un avenir. “Un indépendant qui n’a pas d’équipe financière préfère une plateforme unique et simple d’utilisation. Par contre, les grosses entreprises voudront toujours les meilleures solutions spécialisées”, répond Julien Zakoian. “Pour les petites entreprises, le sens de l’histoire est d’avoir un seul outil et toutes ses finances au même endroit”, ajoute Arthur Waller.
“Pour les petites entreprises, le sens de l’histoire est d’avoir un seul outil et toutes ses finances au même endroit”
Etant donné cette grande convergence, tous ces acteurs semblent plus concurrents que jamais. Mais des stratégies pour se différencier demeurent possibles. Certaines fintechs ciblent les auto-entrepreneurs quand d’autres sont davantage tournées vers les TPE ou les PME. Certaines s’adressent directement à leurs clients quand d’autres passent plutôt par leur expert-comptable. Quoiqu’il en soit, cette concurrence ne semble pas effrayer nos interlocuteurs. “Le marché est gigantesque, il y a de la place pour tout le monde”, indique Arthur Waller. Gigantesque, mais aussi dynamique. En effet, avec l’assurtech, “le secteur service aux entreprises est celui qui a levé le plus de fonds en 2024 au sein de la fintech française”, fait savoir Alain Clot (420 millions d’euros selon France FinTech). Et cela ne devrait pas s’arrêter : “Le phénomène du tout en un continuera de s’amplifier”.