Enjeux financiers, stratégie d’innovation, ACPR… Plusieurs raisons permettent aux fintechs d’identifier le moment opportun pour se séparer d’un partenaire de banking as a service.
En février, nous vous présentions les principaux acteurs français du banking as a service (BaaS), ces fintechs qui permettent à d’autres fintechs de proposer des services bancaires comme l’ouverture de comptes, des Iban, du paiement par carte ou par virement. L’un d’entre eux, Okali, avait fait preuve d’une franchise certaine en expliquant que pour ses clients, “le sens de l’histoire était de prendre son envol et de s’affranchir du BaaS”. Mais pour une fintech, encore faut-il savoir identifier le moment venu de voler de ses propres ailes.
Avant de trouver ce fameux moment, il convient de rappeler que la quasi-intégralité des fintechs qui proposent des services bancaires à leurs clients ont collaboré avec des fournisseurs de BaaS à leurs débuts. “Quand on veut aller vite sur un marché, on commence avec du BaaS car développer des services financiers en autonomie prend trop de temps. Le BaaS est essentiel pour des raisons de go to market”, explique Stéphane Dehaies, président de Spendesk Financial Services, l’entité du groupe Spendesk chargée de développer des services bancaires pour cette fintech spécialiste de la gestion des dépenses.
“Plus on grossit, moins a envie de partager les revenus qu’on génère”
A ses débuts en 2016, Spendesk collaborait avec deux acteurs du banking as a service : Okali et Bankable. Cinq ans plus tard, la fintech s’est dit qu’elle devait devenir autonome et a entamé les démarches pour obtenir l’agrément d’établissement de paiement. Après l’avoir décroché en avril 2022, elle a développé son propre établissement de paiement (Spendesk Financial Services donc), qui est opérant depuis octobre 2024. Mais pourquoi a-t-elle voulu se séparer de ses partenaires BaaS ?
Stéphane Dehaies a identifié plusieurs raisons. La première d’entre elles provient de la commission prise par le partenaire BaaS sur les paiements effectués par les clients de Spendesk : “On a dépassé les 29 milliards d’euros de transaction depuis notre création. Plus on grossit, moins a envie de partager les revenus qu’on génère”. Le dirigeant met également en avant “la volonté de maitriser l’innovation” pour justifier la séparation : “Quand on est autonome, il est plus simple de lancer de nouveaux produits. Par exemple, on peut intégrer l’IA dans nos produits comme on le souhaite. Avec un BaaS, on ne sait pas comment elle aurait été intégrée”.
Le passage à l’échelle, le moment évident
Le dirigeant affirme aussi que développer en interne des services financiers permet “de sécuriser les transactions” en collaborant avec les partenaires de son choix : “On travaille directement avec Visa qui a des standards de sécurité très élevés”. De son côté, Alison Alonso, directrice générale d’Okali, avance d’autres raisons qui ont poussé les anciens clients de ce spécialiste du BaaS à se passer de ses services : “Parfois, certaines fintechs ont besoin de cantonner leurs fonds dans une banque plutôt qu’une autre. Celles-ci peuvent également décider d’être indépendantes pour ne pas partager la rémunération de leurs dépôts avec un BaaS. Enfin, quand une entreprise commence à avoir une taille importante, l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ndlr) peut lui demander d’obtenir un agrément pour communiquer directement avec elle”.
“Le fait d’être avec un partenaire BaaS vous limite en termes de croissance puisqu’il faut suivre sa feuille de route et sa roadmap produit”
Voilà autant de raisons qui permettent à une fintech d’identifier le bon moment de se séparer d’un partenaire de banking as a service. Selon Stéphane Dehaies, ces raisons interviennent souvent à un moment précis : “le passage à l’échelle” car “le fait d’être avec un partenaire vous limite en termes de croissance puisqu’il faut suivre sa feuille de route et sa roadmap produit”. De quoi dégager un profil type selon Alison Alonso : “Les clients qui nous quittent sont généralement des fintechs anciennes qui ont des moyens financiers et humains importants car obtenir un agrément et développer des services financiers en interne nécessitent une vraie expertise”. La décision de s’affranchir d’un BaaS doit être évidemment réfléchie. Sauf pour certains acteurs où elle s’impose d’elle-même, à savoir les “entreprises rachetées par une fintech déjà agréée”.