Lors du Forum Europ’energies mardi, plusieurs experts se sont prêtés au jeu des pronostics et anticipent des prix orientés à la baisse, que ce soit pour le pétrole, le gaz ou encore l’électricité.
“La seule certitude, c’est l’incertitude.” C’est par cette phrase qu’Olivier Appert a conclu sa prise de parole pour ouvrir le Forum Europ’Energies 2025. Le conseiller du centre énergie de l’IFRI (Institut français des relations internationales) a particulièrement insisté sur la forte déstabilisation du contexte énergétique depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche alors que “l’énergie va jouer un rôle déterminant dans les nouveaux rapports de force qui s’installent” selon l’expert. Malgré cette volatilité ambiante, certains experts présents à l’événement anticipent un recul des prix énergétiques au cours des prochains mois.
“Le scénario le plus probable est le scénario baissier”, affirme ainsi Thierry Lesaffre du cabinet de conseil en achat d’énergie Purenergy Associates.
Pourtant, il reconnaît que plusieurs événements alimentent la volatilité actuelle comme les tarifs douaniers qui ont un impact sur la demande d’énergie, les difficultés de mises en oeuvre du Green Deal, les problèmes réglementaires ou législatifs liés au versement nucléaire universel (VNU) ou à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en France, le retour de la corrosion sous contrainte (CSC) chez EDF ou encore les incidents à l’image la panne électrique géante en Espagne.
Faible demande de gaz
Concernant le gaz, Purenergy Associates estime que le prix du MWh pourrait s’établir à 40 euros le MWh en 2025 puis tomber à 30,8 euros le MWh l’année suivante. De son côté, Joanna Juszczak du fournisseur d’énergie Axpo Solutions AG prévoit même un prix du MWh de gaz à 37,2 euros.
“La consommation de gaz a beaucoup baissé en France car on a arrêté de produire de l’électricité avec du gaz, souligne-t-elle. Si on regarde sur les 30 dernières années, 30-40 euros le MWh de gaz est un prix élevé mais on a changé de paradigme.”
Thierry Lesaffre met en avant une demande industrielle de gaz qui va rester faible en Europe mais aussi en Asie en raison de la guerre commerciale. L’hypothèse d’un hiver modéré permet également d’envisager une demande résidentielle faible. A cette faible demande s’ajoutent la hausse de la production des énergies renouvelables. En ce qui concerne l’offre, le conflit entre Israël et l’Iran devrait avoir un impact limité aux yeux du spécialiste. “L’arrêt progressif des livraisons du gaz russe sera compensé par une augmentation des volumes de GNL, notamment américain et qatari, ajoute-t-il. La proposition de Bruxelles d’un processus d’arrêt des livraisons de gaz et pétrole russes en trois étapes va être difficile à mettre en place.”
“On aura une dépendance gazière qui passera de la Russie aux Etats-Unis.”
Des incertitudes accrues sur l’or noir
Les perspectives sont relativement similaires pour l’électricité qui devrait connaître une demande industrielle et résidentielle “assez faibles” en Europe. Par ailleurs, Thierry Lesaffre estime que l’absence de vision globale va ralentir l’électrification des besoins et donc générer encore plus d’incertitude sur la demande électrique. “Sur l’offre, l’un des risques est la découverte de CSC sur un réacteur de la centrale de Civaux mais il n’y aura pas d’impact significatif grâce à l’apprentissage de l’épisode d’il y a 2-3 ans, explique-t-il. En revanche, les moyens de stockage type batteries se développent assez lentement à cause d’un manque de visibilité.”
Ces prévisions poussent le cabinet de conseil Purenergy Associates à tabler sur un prix de l’électricité autour de 62,5 euros le MWh cette année qui tomberait à 58,3 euros en 2026, soit un niveau proche de 2024. Axpo Solutions AG voit le prix du MWh d’électricité un peu plus haut en 2025, à 64,35 euros.
“Il y aura encore plus d’heures négatives, cette tendance va s’accentuer, indique Joanna Juszczak. L’amplitude des prix a aussi augmenté avec des prix spot à -100 et -200 euros le MWh et ça influence le prix moyen qu’on va avoir en 2025.”
En ce qui concerne le pétrole, Axpo Solutions AG anticipe un prix du baril de Brent sous les 69 dollars en 2025 quand Purenergy Associates penche plutôt vers les 71,7 dollars puis 70 dollars en 2026. “Les fondamentaux du marché conduiraient à une baisse du prix du pétrole mais le contexte géopolitique crée des incertitudes, constate Olivier Appert qui évoque une ‘prime de risque de 5 à 10 dollars avec les attaques des installations nucléaires’. Cette situation incertaine et volatile explique l’écart important des projections des prix du pétrole.”