Quels sont les éléments du changement climatique qui remontent du Sud et ont un impact sur les cultures du Sud-Ouest ?
L’augmentation de la température moyenne annuelle qui va permettre, par exemple, aux agrumes de pousser en Nouvelle-Aquitaine – c’est déjà le cas dans les Pyrénées-Atlantiques. L’augmentation des températures extrêmes : le maïs et les pommes vont souffrir au-delà de 35 °C, tandis que le sorgho et l’olivier résistent jusqu’à 42 °C. La baisse des gels intenses va être primordiale pour certaines cultures : les agrumes sont par exemple très sensibles aux températures en dessous de -5 °C, tandis que le kaki et le cassis peuvent supporter respectivement -15 et -35 °C. Enfin, le réchauffement va réduire les périodes de froid pourtant indispensables à la vernalisation pour certains arbustes. Les pommiers ont besoin de 1 000 heures de froid pour fleurir. Le kaki seulement 400… En utilisant des données climatiques de long terme, je construis des modèles qui donnent des informations sur les futures aires de répartition des cultures.
On voit déjà des cultures remonter du Sud vers le nord…
Oui, la patate douce du côté de Biarritz, Pau, Agen, intéressante dans des endroits irrigués ; l’orange, circonscrite pour le moment aux Pyrénées-Atlantiques car ailleurs, le risque de gel tardif est trop important ; le kaki et la grenade, déjà présents qui s’étendent ; l’abricot qui remonte la Garonne et qui pourrait détrôner la prune en Lot-et-Garonne d’ici 2050 – quand cette dernière commence à conquérir l’Allier. Et la reine des nouvelles cultures pour la Nouvelle-Aquitaine, c’est l’olive, quand la culture souffre en Andalousie d’un climat désormais trop chaud et trop sec. Autant de changements dans l’aire de répartition qui vont avoir des impacts sur nos AOP, AOC et IGP.
« La vigne doit continuer d’être présente. Climatiquement parlant, elle sera encore plus adaptée au climat du Sud-Ouest qu’aujourd’hui, mais avec des cépages différents, genre Châteauneuf-du-Pape et des rouges corsés »
La vigne est-elle condamnée dans la région et plus particulièrement dans le Bordelais ?
Pas du tout. La vigne doit continuer d’être présente. Climatiquement parlant, elle sera encore plus adaptée au climat du Sud-Ouest qu’aujourd’hui, mais avec des cépages différents, genre Châteauneuf-du-Pape et des rouges corsés.
Et quid du maïs ?
Il va rester dans le Sud-Ouest mais en 2050, les surfaces vont régresser car les rendements seront à leur apogée, il fera trop chaud. On a parlé de l’olivier et du sorgho qui, parallèlement, vont faire des poussées. Pour ce dernier, il est indispensable de consacrer des moyens à travailler la génétique afin d’augmenter sa productivité. La cacahuète et le pois chiche trouveront dans la région leur eldorado.
Il y a nécessité à anticiper cette nouvelle répartition géographique des cultures ?
Oui, absolument. Le danger serait de ne rien faire. Il faut planter dès maintenant et prendre des risques. Du risque à bon escient : il n’est pas question de changer toutes les cultures d’un coup car on pourrait totalement déstabiliser l’économie agricole. C’est une question de jauge et de mesure. Et l’important est de commencer à développer des filières dédiées qui, à ce jour, n’existent pas. Il faut que les politiques s’emparent du sujet.