Très attentif au projet de loi des sénateurs Duplomb et Menonville, Éric Frétillère, le président d’Irrigants de France, espère que la commission mixte paritaire apportera les nécessaires simplifications pour assurer le stockage de l’eau destinée à l’agriculture
La question de l’eau a été abordée dans la proposition de loi sénatoriale dite « loi Duplomb ». Ce texte, dans sa version sortie du Sénat, vous satisfait-il ?
La loi d’orientation agricole promulguée en début d’année a permis des avancées notables, que l’association des Irrigants de France appelait de ses vœux depuis longtemps, notamment la déclaration de l’intérêt général majeur de l’agriculture.

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Ces avancées n’étant pas suffisantes pour répondre aux attentes du monde agricole sur l’eau, nous avons impérativement besoin de la proposition de loi Duplomb-Menonville, qui va encore plus loin dans la préservation et le développement de solutions d’irrigation nécessaires à une gestion durable de la production.
En effet, face aux effets du changement climatique qui impactent durement les productions de l’ensemble de nos filières, il est urgent de sécuriser l’accès à l’eau pour l’agriculture, et de doter les agriculteurs de moyens d’irrigation qui soient pérennes. La loi « anti-contraintes » répondant à cet impératif, elle est, de fait, très attendue par les agriculteurs. Si elle n’était pas votée, cela constituerait un recul majeur pour notre souveraineté.
La commission du développement durable de l’Assemblée nationale a profondément modifié le texte du Sénat. Qu’en pensez-vous ?
Le Sénat a, en effet, inscrit dans la proposition de loi un ensemble de dispositions à même de sécuriser enfin le développement d’une politique ambitieuse de gestion de l’eau, avec en particulier la création de capacités de stockage, ce qui est notre priorité.
Je ne peux donc que déplorer et dénoncer l’irresponsabilité d’une commission du développement durable qui, sur fond de militantisme écologique, a tout bonnement annulé l’ensemble de ces dispositions en supprimant l’article 5, et a ajouté 9 amendements dont un moratoire de dix ans rétroactif sur les projets de stockage qui menace directement la possibilité de l’agriculture à utiliser l’eau. C’est une véritable hérésie et un non-sens qui mettent en péril notre sécurité alimentaire !
Qu’attendez-vous de la commission mixte paritaire qui doit donner l’avis final ?
Tout d’abord je ne peux que saluer le dépôt d’une motion de rejet préalable par le rapporteur du texte, Julien Dive, qui a été largement soutenue par le gouvernement et les députés en séance plénière et qui relève l’intérêt supérieur de ce texte.
L’obstruction au débat parlementaire pour faire barrage à ce texte, méthodiquement organisée par La France Insoumise et Les Écologistes, qui ont déposé plus de 2 500 amendements pour tout juste 10 articles, est une honte et une insulte à la démocratie. Nous attendons en effet maintenant le passage du texte en commission mixte paritaire et souhaitons qu’elle permette de sécuriser juridiquement l’accès à l’eau pour l’agriculture.
C’est-à-dire ?
Dans le détail, nous portons des demandes de clarification et de simplification des conditions de construction et d’utilisation des ouvrages de stockage de l’eau nécessaires pour assurer le potentiel économique de l’agriculture. L’enjeu est en réalité de confirmer que l’accès à l’eau participe bel et bien à la protection d’intérêt général de l’agriculture.
Également, nous plaidons pour que des études d’impact soient réalisées systématiquement afin d’évaluer les impacts économiques et sociaux que la mise en œuvre de multiples projets d’études scientifiques de connaissance de l’eau, comme les études hydrologiques, pourraient avoir sur l’agriculture. Ces projets d’études scientifiques, réalisés partout sur les territoires, servent à définir des politiques publiques sur l’eau et constituent le socle de contraintes futures pour l’agriculture, fragilisant ainsi nos capacités de production. Il est nécessaire d’y adosser des données sérieuses d’impacts socio-économiques afin d’avoir une vision plus globale.
Cette étape sera cruciale et nous espérons que les membres de la commission mesurent l’urgence et la nécessité d’aboutir à un consensus sur ce texte d’une importance fondamentale pour notre agriculture.