La 67ᵉ cérémonie des Grammy Awards a consacré, dans la nuit de dimanche à lundi à Los Angeles, le groupe de metal français Gojira et la chanteuse Marina Viotti dans la catégorie « meilleure performance metal de l’année » pour leur titre Mea Culpa (Ah ! Ça ira !) exécuté lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques à Paris. Ils devancent Metallica et Judas Priest.
Marina Viotti est présentée comme une artiste lyrique qui s’est entichée de metal. Ce n’est tout à fait exact : elle a été d’abord chanteuse de metal et c’est au sein d’un groupe belfortain, Soulmaker, qu’elle a fait ses débuts à Belfort.
Touche à tout
Fille du chef d’orchestre suisse Marcello Viotti et de la violoniste française Marie-Laurence Bret, Marina Viotti, née en 1986 à Lausanne, a la double nationalité française et suisse. Elle a suivi son père au fil de ses engagements internationaux, puis, après son décès, a vécu en Moselle (elle ira au conservatoire à Forbach) et à Lyon.
La jeune femme est une authentique touche-à-tout. Elle a d’abord étudié la flûte traversière pendant douze ans avant d’approfondir le chant dans différents genres : le jazz, le gospel dans une chorale, la variété, le R’n’B et finalement le metal. Côté études, elle a abordé la philosophie, la littérature (en hypokhâgne) et même le commerce à Marseille.
Cinq titres enregistrés en un week-end
À Belfort, un groupe de metal, Soulmaker, commence à répéter en 1999. Il tourne vraiment à partir de 2002, mais se cherche, changeant de batteur et rencontrant de réelles difficultés avec le chant. En 2006, les metalleux sont contactés par une jeune femme de 19 ans. Elle se nomme Marina Viotti, elle est chanteuse, et va prendre les choses en mains. Elle peut chanter avec plusieurs types de voix, s’adapte aux morceaux et les réoriente avec inspiration. Ils ont la musique depuis des mois mais tournent en rond : elle enregistre pour le chant cinq titres en un week-end seulement.
Au Roger’s Café à Belfort
Les garçons sont influencés par Megadeth ou Metallica. Pour Marina, c’est plutôt Pantera, le groupe américain qui lui a donné envie d’essayer le metal. Elle pense ses paroles, apporte son bagage littéraire. Ainsi, elle rebaptise un des morceaux Les mouches , en s’inspirant du livre éponyme de Sartre qu’elle a étudié en prépa littéraire. Le groupe tourne. Marina chante du metal, s’impose sur scène, avec un concert presque toutes les semaines, notamment à Belfort, au Roger’s Café (fermé en 2014).
Les membres de Soulmaker sont assez disséminés géographiquement, mais ils ont leur local de répétition au Fort Hatry à Belfort, dans une ancienne casemate militaire, bénéficiant de l’aide de la Ville qui propose des locaux gratuits aux groupes de rock débutants.
Verdi en plein cœur
Marina Viotti a 24 ans et plusieurs années de metal derrière elle, lorsqu’un soir, elle reçoit la musique de Verdi en plein cœur. C’est à Vienne, sur Simon Boccanegra , qui n’est pas n’importe quel opéra puisque c’est celui que son défunt père a souvent dirigé. Elle décide qu’elle va apprendre le chant lyrique. Il y a juste un problème : personne ne veut d’elle. Elle est trop âgée et son aspect de métalleuse gothique avec un anneau dans le nez ne passe pas vraiment dans le milieu lyrique. À Vienne, une seule personne accepte de l’écouter chanter. Elle lui demande d’interpréter non pas une pièce du répertoire classique, mais un morceau de Soulmaker. Heidi Brunner, qui est suisse, remarque tout de suite son placement vocal, même sur du metal. Elle valide. Elle la formera à Vienne avant que Marina intègre la classe de Brigitte Balleys à Lausanne où elle décrochera son diplôme de soliste.
Victoire de la Musique classique 2023
On connaît la suite pour la mezzo-soprano : une carrière dans la musique classique qui lui a valu plusieurs prix dont celui d’artiste « lyrique de l’année » aux Victoires de la musique classique 2023, sans rien renier de sa jeunesse métalleuse avec ce Grammy Awards 2025, qui l’a fait poser à Los Angeles entre Beyoncé, Kendrick Lamar, Bruno Mars et Lady Gaga.