Au cœur de la problématique qui sera abordée lors de la table ronde agriculture et alimentation lors de l’événement Ici On Agit ! à Nancy les 25 et 26 avril prochains, la question de la sensibilisation des consommateurs à des choix alimentaires responsables tout en soutenant les producteurs locaux. Est-ce vouloir faire entrer des ronds dans des carrés ?
Yves Le Roux, professeur à l’Ensaia : « Depuis quelques dizaines d’années, on a tenté et réussi parfois en partie à relocaliser nos productions alimentaires. Je citerais l’exemple des circuits courts, vente directe, Amap, qui se sont développés, profitant d’une image de qualité et du lien de confiance qu’elle inspire aux consommateurs, alors même qu’il faut rester prudent en la matière : local ne veut pas nécessairement dire vertueux. Nous avons atteint un point haut au moment des confinements liés à la crise de la Covid-19 et puis, il y a eu retour à la normale. Un peu au-dessous même. »
« À l’autre bout du spectre, nous avons les circuits très longs, avec des producteurs qui fournissent l’industrie agroalimentaire, l’export, etc. Avec une exposition à la concurrence extra-européenne – Mercosur, Ukraine, etc. – mais aussi intra ! Et au cœur de ce problème, les fameuses clauses miroirs c’est-à-dire notre capacité à imposer sur les produits importés les mêmes normes que celles auxquelles sont soumises nos productions nationales. Ce qui, par voie de conséquence, pose la question de la protection des productions agricoles aux frontières de l’Union européenne. »
Quel regard portez-vous sur les politiques publiques conduites en matière de soutien aux productions agricoles ?
« Il existe un levier, c’est celui de la restauration hors domicile, c’est-à-dire les cantines scolaires, l’armée, les prisons, etc. Un secteur qui représente à lui seul un repas sur six en France ! Là, la décision politique, des collectivités locales notamment, pourrait peser lourd. Mais on se heurte à un double problème : faute de moyens financiers suffisants, les collectivités peinent à respecter la loi Egalim et faute de garantie sur des contrats de durée suffisante, les producteurs ne sont pas calibrés pour répondre à la demande. C’est le chat qui se mord la queue. Alors qu’il y a là non seulement un levier pour l’agriculture mais aussi de justice sociale. »
« Enfin, il y a la question des obligations imposées en matière d’émissions. L’agriculture aujourd’hui, ce sont essentiellement des émissions de méthane, du fait de l’élevage, et de protoxyde d’azote, du fait des engrais. L’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 implique pour le secteur la division de ces émissions par deux. Ce qui signifie végétaliser significativement notre alimentation. Ce n’est pas précisément le chemin que nous prenons aujourd’hui… »
Vous serez présent lors de l’événement Ici On Agit ! à Nancy les 25 et 26 avril prochains, qu’attendez-vous de ce rendez-vous ?
« Tout d’abord, une occasion de dresser un diagnostic partagé, ce qui est fondamental ! C’est aussi une occasion de faire comprendre au plus grand nombre de quels ordres de grandeur nous parlons ce qui doit permettre, peut-être, de se mettre autour de la table en parlant de la même chose et donc une opportunité d’avancer. C’est indispensable ! »

Une table ronde dédiée à l’agriculture et l’alimentation en Grand Est
En Grand Est, plus de la moitié du territoire est dédiée à l’agriculture : adopter un modèle d’exploitation durable est donc une nécessité. Comment sensibiliser les consommateurs à des choix alimentaires responsables tout en soutenant les producteurs locaux ? Cette conférence explorera des solutions concrètes pour reconnecter producteurs et consommateurs, préserver notre environnement et transformer nos habitudes alimentaires. Ensemble, construisons la transition vers une agriculture respectueuse de nos terres et des générations futures.
Pour échanger sur ces questions, une table ronde réunira le samedi 26 avril de 13 h 30 à 14 h 15, dans le cadre d’Ici On Agit !, au centre Prouvé de Nancy, Jérôme Mathieu, président de la Chambre régionale d’agriculture du Grand Est ; Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle ; Yves Le Roux, professeur des universités à l’Ensaia ; et Pierre Wernain, responsable de la mission valorisation au sein du Conservatoire d’espaces naturels de Lorraine. Cet échange sera animé par Marc Mortelmans, journaliste.