Le 9 janvier, L’Antidote, bar et cave de la rue Elie-Gintrac à Bordeaux, annonçait qu’il ne peut plus accueillir de concerts suite au passage d’une commission de sécurité. Il mettait aussi en place une cagnotte de soutien afin d’aider l’association Chapeaubas33, qui gère le lieu, à financer sa mise aux normes. Le détail des travaux n’est pas encore connu, mais c’est un coup dur pour les amateurs de metal, de hardcore et de punk-rock qui perdent un point de ralliement, même si le bar reste ouvert les vendredis et samedis. Refrain régulièrement rabâché : Bordeaux, ville réputée pour sa scène rock dans les années 1980-1990, est en train de perdre le réseau de petits lieux de concerts qui permettaient à des groupes de faire leurs armes et de se forger un public.
Digital Angst au RedCat, « très bien aménagé et actif toute l’année ».
Philippe Prévost
« Le réseau n’est pas mort »
C’est vrai, mais pas complètement. Pour la soirée Rock en ville, qui ouvre toutes les éditions du festival Bordeaux Rock, ce dernier n’a pas eu de mal à trouver sept bars à Saint-Michel et Saint-Pierre pour y faire jouer une vingtaine de groupes en mars. « Il y a les lieux avec qui on travaille depuis longtemps, comme L’Avant-Scène ou la Maison [siège de l’association Allez les filles, NDLR] », explique Emmanuel Cier, l’un des organisateurs. « Il y a ceux qui sont en train de se faire une place, comme Les Broc’s, avec sa cave qui peut recevoir 120 personnes, le RedCat, très bien aménagé et actif toute l’année, voire le Pulp, qui vient de succéder à Quartier Libre. Et puis, il y a les deux petits nouveaux : Archi Pop et L’Ether, gérés par des trentenaires. Ils sont la preuve que le réseau des bars rock n’est pas mort. »
Arthur Sauvadon, gérant d’Archi Pop : « Aller vers les laissés-pour-compte. Ceux qui jouent de la darkwave, de la folk ou de l’ambient par exemple. »
Archives Sébastien Darsy
Archi Pop est un cas à part. À la base, ce lieu de la rue des Allamandiers est un disquaire, mais doté d’un bar et qui accueille entre cinq et dix concerts, DJ sets ou performances musicales par mois. « Ma programmation suit la même ligne que mes choix de disques en vente », explique Arthur Sauvadon, le gérant. « Je m’éloigne de l’esthétique garage-punk qui domine à Bordeaux pour aller vers les laissés-pour-compte. Ceux qui jouent de la darkwave, de la folk ou de l’ambient. »
Quant à L’Ether, c’est l’ancien Café des moines, rue des Menuts. L’endroit a été repris en octobre par deux amis ayant travaillé dans le milieu associatif avant que le Covid ne chamboule leurs certitudes. Jam jazz le lundi, concerts funk ou musiques brésiliennes le mercredi, rock le week-end, L’Ether s’appuie sur les collectifs locaux pour assurer sa programmation : Rave Øn, Flippin’Freaks, les étudiants en jazz du conservatoire… « Un lieu comme celui-ci ne peut pas exister sans ancrage local », estime Samuel Boyer, l’un des deux associés. « On écoute évidemment ce que nous proposent les collectifs, mais on est généralement très confiants. »
Samuel Boyer, cogérant de L’Ether : « On essaye de recréer l’atmosphère qui a régné pendant plusieurs décennies dans les nuits bordelaises. »
Ch. L.
Au point de programmer, par ces intermédiaires, des groupes américains, italiens ou finlandais en tournée européenne, pour des concerts gratuits dans la grande majorité des cas. « On ne veut pas que ce soit les artistes qui supportent la pression de l’affluence aux concerts. Financièrement, on s’y retrouve avec le bar. On n’invente rien en fait. On essaye juste de recréer l’atmosphère qui a régné pendant plusieurs décennies dans les nuits bordelaises. »