L’audace de Max Verstappen, jaillissant dans un trou de souris à l’extérieur d’Oscar Piastri à Tamburello, aurait-elle pu être imitée par une monoplace dépourvue de pilote ? C’est le pari que s’est lancé l’Abu Dhabi Advanced Technology Research Council (ATRC) en 2023, animé par une volonté de monter une course de voitures autonomes sur le circuit de Yas Marina.
Sur le tracé qui clôture le calendrier de Formule 1, les véhicules, montés sur des châssis Dallara Super Formula SF23, se sont affrontés en mai dernier lors d’une première course qui n’a pas livré toutes ses promesses. Les modèles se sont révélés loin d’être prêts à faire la course, enchaînant les accrochages, les ratés et les bugs grotesques, tout cela sur un rythme très lent. Ce premier flop monumental n’a pas découragé les organisateurs, qui ont tenté un deuxième test en novembre en annonçant en grande pompe un évènement « Human vs AI », opposant à armes égales le Russe Daniil Kvyat à l’intelligence artificielle.
L’ancien pilote Red Bull en F1 n’a pas eu à forcer son talent pour montrer qu’il faudrait attendre encore de longues années avant de voir un robot intégrer la grille de la catégorie reine du sport automobile : après sept tours d’échauffement à un rythme d’environ 2’36 au tour – 75 % de la performance selon Giovanni Pau, le directeur technique – un des deux robots en piste a heurté les barrières de Tec-Pro, provoquant l’annulation du duel à venir avec un Kvyat déclaré vainqueur par K.-O.
Premier test raté
Ces deux mauvaises expériences n’ont pas découragé l’Abu Dhabi Advanced Technology Research Council, qui poursuit ses travaux sur l’automatisation des véhicules de course. Pour démontrer les progrès réalisés (faut-il l’espérer), l’ATRC lance la deuxième édition de l’Abu Dhabi Autonomous Racing League (A2RL) avec des équipes venues de dix pays différents, dont la France et le Japon, absents de la première édition.
L’A2RL, deuxième du nom, est placée sous le signe de « encore plus d’ambition, une participation internationale élargie, et une nouvelle plateforme audacieuse pour faire progresser la mobilité autonome ». Pour tenir ces engagements ambitieux, les organisateurs misent sur une nouvelle voiture : l’Emirates Autonomous Vehicle (EAV 24). À nouveau basé sur la Super Formula SF23, celui-ci a été « repensé avec des capteurs perfectionnés, des systèmes de calcul renforcés et une logique de contrôle affinée, optimisée pour les exigences extrêmes des courses autonomes ».
« Avec A2RL, nous ne faisons pas que tester la technologie autonome, nous accélérons son évolution dans les conditions les plus exigeantes possibles », assure Son Excellence Faisal Al Bannai, conseiller du président des Émirats arabes unis pour la recherche stratégique et les technologies avancées, et secrétaire général de l’ATRC. « C’est une vitrine d’excellence en ingénierie, mais surtout une plateforme pour l’avenir de la mobilité. De la course à grande vitesse aux applications concrètes, nous démontrons ce qu’il est possible de réaliser quand un pays investit dans les technologies profondes et met le monde au défi de penser plus vite, construire plus intelligemment, et concourir de manière responsable. »
Des évolutions prometteuses
La deuxième édition de l’A2RL offre aux Émirats arabes unis un test grandeur nature de ses technologies de véhicules autonomes alors que la Chine et les États-Unis ont déjà une importante longueur d’avance dans le secteur. En révélant sa première gamme de robotaxis il y a quelques mois lors d’un évènement au nom évocateur « We, Robot », Elon Musk, le patron de Tesla, a confirmé les avancées technologiques exceptionnelles qu’a réalisées sa firme lors des dernières années.
Pour les Émiratis, l’enjeu sera aussi de ne pas se ridiculiser à nouveau : la première édition avait été moquée sur les réseaux sociaux et les arguments utilisés par les organisateurs pour se défendre – « plus de 10 000 spectateurs et plus d’un million de vues en streaming à travers le monde » – sont à minima déconnectés de la réalité, voire malhonnêtes. L’A2RL reste toutefois une initiative à saluer, qui encourage le développement technologique grâce à son partenariat avec de nombreuses universités mondiales.
En revanche, le chemin s’annonce long jusqu’à voir ces voitures sans pilote offrir le même spectacle en piste que Lewis Hamilton et Max Verstappen en 2021 sur le circuit de Yas Marina. Même en connaissant le tracé par cœur et en bénéficiant des capacités de réaction à la milliseconde de leurs ordinateurs internes, les véhicules ne font pas encore le poids face à l’élite de l’espèce humaine. Attention toutefois, ces nouvelles EAV 24 pourraient nous surprendre : rendez-vous le 15 novembre prochain pour assister à une course qui, peu importe son résultat final, attise la curiosité.