(Agence Ecofin) – A Madagascar, le réseau électrique reste confronté à de fréquents déficits et à une dépendance aux énergies fossiles. Le partenariat signé avec un acteur émirati pourrait consolider une dynamique de diversification, à condition que l’accord de principe débouche sur des investissements concrets et viables.
Avec seulement 251 MW de capacités d’énergies renouvelables installées en 2024, dont 58 MW de solaire d’après les données du rapport « Renewable Energy Capacity Statistics 2025 » de l’IRENA, Madagascar est encore limité par rapport à son potentiel réel en la matière.
C’est dans ce contexte que la société émiratie Global South Utilities (GSU) a annoncé le lundi 30 juin avoir signé deux accords avec le gouvernement, le premier visant à développer une centrale solaire de 50 MW avec 25 MWh de stockage à Moramanga, et l’autre à planifier jusqu’à 250 MW supplémentaires sous réserve de faisabilité.
Ces engagements pourraient constituer une réponse partielle à la forte dépendance du pays insulaire aux combustibles fossiles. En 2022, 46% de sa production électrique provenait en effet encore du pétrole, contre 31% des barrages, selon l’AIE. Le site choisi est stratégique pour alimenter le réseau interconnecté d’Antananarivo, qui absorbe 60% de la consommation nationale.
Des capacités supplémentaires qui peuvent changer l’échelle
Sur le papier, le projet de 50 MW pourrait à lui seul augmenter de près de 85% la capacité solaire actuelle du pays. L’accord-cadre pour 250 MW ouvre quant à lui une perspective bien plus large. Le Pacte énergétique national pour Madagascar fixe en effet un objectif de 893 MW de renouvelable d’ici 2030. Si GSU parvient à concrétiser l’intégralité de son programme, cela représenterait un tiers de cet objectif, un jalon non négligeable pour un réseau fragile.
Mais le changement d’échelle implique de surmonter plusieurs contraintes. D’après le Pacte énergétique, moins de 60% des 828 MW de capacités installées aujourd’hui sont réellement disponibles, en raison du vieillissement des barrages, des pannes répétées et de l’incapacité de l’opérateur JIRAMA à financer l’achat de fioul pour ses centrales thermiques.
Le premier défi est financier. Le futur accord d’achat d’électricité avec JIRAMA reste à conclure, alors que l’entreprise publique affiche régulièrement des arriérés et une capacité de paiement limitée, un risque majeur pour la bancabilité des investissements privés.
Le deuxième est l’intégration technique de ces nouvelles capacités. L’interconnexion d’Antananarivo, clé pour satisfaire la demande, est largement saturée et composée d’équipements datant des années 1980.
Le projet prévoit 25 MWh de stockage pour la première tranche, ce qui constitue une avancée, mais déployer 250 MW de solaire supposerait un dimensionnement bien plus ambitieux du stockage pour garantir la fiabilité du réseau.
Un tournant décisif à prendre pour Madagascar
Environ 36% seulement des habitants de Madagascar ont accès à l’électricité selon la Banque mondiale, et 14% seulement utilisent des technologies de cuisson propre. Ce déficit énergétique freine la croissance et maintient lourde la facture des importations de carburants. S’associer à un acteur du Golfe reflète la volonté de diversifier les partenaires, mais la réussite de la démarche dépendra d’une réforme structurelle de JIRAMA et de la modernisation du réseau.
Si les engagements se concrétisent, Madagascar pourrait enfin tirer parti de ses ressources renouvelables abondantes pour alléger sa dépendance au thermique et renforcer sa résilience énergétique.
Abdoullah Diop
Edité par : Feriol Bewa