Équipements industriels
Pour une poignée de francs, un savoir-faire d’exception a frôlé l’oubli
À Bex, Meili Technology renaît de ses cendres grâce à cinq anciens cadres et sauve une expertise rare en chaudronnerie high tech. Portrait.

Joël L’Her, directeur de Meili Technology, pose devant l’une des pièces phares de sa production: une sorte de cocotte-minute de dix tonnes qui sert à la fabrication de différents composants chimiques.
CHANTAL DERVEY
- L’entreprise Meili Technology à Bex s’est relevée d’une faillite en 2017.
- Sa torche de soudage Arcline unique permet une étanchéité parfaite des pièces d’aluminium.
- Les employés ont racheté l’entreprise lors d’enchères et obtenu un soutien cantonal.
- L’entreprise fabrique des équipements industriels spécialisés pour des multinationales.
À Bex, Meili Technology est un peu comme le phénix. Car cette entreprise est passée par de nombreux revirements, jusqu’à une faillite en 2017. Or cet atelier de chaudronnerie s’est spécialisé dans la confection sur mesure d’équipements industriels pour de grands groupes, tels que Nestlé, Firmenich, Bayer ou Syngenta. Ce savoir-faire de pointe, en matière de soudures notamment, a bien failli disparaître au moment de la faillite, comme le raconte son patron, Joël L’Her.
En visitant cette halle datant des années 60, on ne perçoit pas au premier regard la technicité de l’entreprise chablaisienne. Les sons résonnent sous les hauts plafonds et l’on se perd entre les postes de travail entrecoupés d’imposantes pièces de métal.
Soudures parfaites
Et pourtant, cette entreprise fait des choses assez uniques. «Cette torche de soudage Arcline est la seule de Suisse romande», présente Joël L’Her. Elle permet de souder par fusion des pièces d’aluminium en assurant une étanchéité parfaite. «Nous fabriquons dix pièces par mois pour la réalisation de spectromètres de masse à résonance magnétique nucléaire, poursuit le directeur. Leur étanchéité est testée sous vide avec la plus petite molécule connue: l’hélium.»

La soudure est la grande spécialité du chaudronnier chablaisien.
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Mais ce savoir-faire n’est pas passé loin de disparaître du canton. L’histoire de Meili Technology remonte à 1953, lorsque Alfred Meili fonde une entreprise de construction métallique à Bex. Reprise par son fils François, puis revendue, Meilibex SA fait faillite en 2017. «À l’époque, Meilibex avait tenté de baisser ses prix et de fabriquer des produits de série, raconte Joël L’Her. Mais la Suisse est chère et, six mois avant la faillite, il restait deux millions de cotisations sociales AVS et LPP impayées.»
Enchères à couteaux tirés
La vente aux enchères de la PME sera un tournant. Car les cadres ont décidé de se cotiser pour reprendre les affaires en réunissant les 100’000 fr. nécessaires pour fonder Meili Technology. Encore fallait-il pouvoir racheter les outillages, dont les fameux postes de soudure. «Lors de la vente aux enchères, on est passé à 5000 fr. de notre perte définitive!» Joël L’Her sue encore en repensant à cette dernière enchère à 385’000 fr., qui a fini par décourager un groupe habitué à exploiter les décombres de faillites en revendant les outillages à l’international.

Le polissage des cuves fabriquées à Bex est un métier en soi.
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Cette renaissance a obtenu le soutien du Canton de Vaud, qui a apporté un cautionnement de 600’000 fr. pour sécuriser le maintien de ce savoir-faire. Progressivement, la vingtaine d’employés a ainsi retrouvé ses postes de travail.
L’aventure de Meili Technology raconte un peu l’histoire du secteur industriel de Suisse. Le parcours professionnel de Joel L’Her est d’ailleurs parsemé d’accidents de parcours: «Le monde de l’industrie connaît des faillites sans cesse. Des petites spin-off se relancent sur la base de ces faillites en exploitant la partie saine de l’entreprise qui disparaît.» C’est exactement ce qui s’est produit à Bex avec une réorientation vers des activités à haute valeur ajoutée dans les domaines de la chimie, de la pharmacie, du médical et de l’aéronautique.
Reste que tout n’est pas gagné pour le chaudronnier chablaisien. Car le secteur de l’industrie est très concurrentiel. «Le système suisse nous contraint à être parfait sur tous les plans, ce qui nous amène à fabriquer les choses que personne ne veut faire, des choses qui à ce niveau n’ont plus de prix maximum», dit Joel L’Her.
Avalanche de normes
De plus, les multinationales qui forment sa clientèle se sont attelées au respect de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), qui contraignent également leurs fournisseurs. Meili Technology n’échappe pas à cette «avalanche de normes»: «Rien que pour la sécurité – entre formations et matériel – nous dépensons 100’000 fr par an. Et nous devons rendre chaque année un rapport environnemental qui, pour chaque gramme de ce que l’on utilise, doit dire combien cela produit de CO2.»

Les cuves sont débarrassées de leurs particules de fer avec un puissant acide, avant d’être rincées à l’eau. Un procédé qui requiert de se soumettre à des normes exigeantes.
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Reste que les produits finis aboutissent dans des secteurs de pointe. Ils devront résister à la pression, aux acides ou aux variations de température. C’est le cas pour cette sorte de cocotte-minute d’une dizaine de tonnes, un sécheur à palettes, qui servira aussi bien à confectionner un explosif ultraperformant que les pigments rouges qui habillent les Ferrari. Formé d’un alliage spécial, l’appareil a un prix qui dépasse le million de francs rien qu’avec le prix des matériaux.
Depuis la reprise, la société n’a jamais fait de pertes. Mais Joël L’Her perçoit la conjoncture avec inquiétude: «Notre carnet de commandes est plein jusqu’en septembre, mais on sent un ralentissement.» Alors l’entreprise tente de se diversifier, vers le secteur ferroviaire notamment, ou encore l’aviation en espérant décrocher quelques commandes en marge de l’achat des avions de chasse F-35.

Le bâtiment historique de Meili Technology date des années 60.
Chantal Dervey
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