Fondée en 2020, la start-up de 11 salariés, dont six chercheurs, a récolté 1,2 millions d’euros avec le fonds souverain européen EIT InnoEnergy, incluant une mise à disposition de services stratégiques pour accompagner son développement. Elle cherche maintenant à lever quatre millions en amorçage, mais se heurte à des investisseurs frileux dans un contexte actuel incertain. «Nous avons contacté un peu plus d’une centaine de fonds depuis 12 mois, et n’avons retenu l’attention que d’une dizaine», assure l’entrepreneur. Si un fond deeptech a finalement rejoint Geolinks pour structurer son tour de table, le montage n’est pas encore totalement bouclé et les investisseurs sont plus réticents à s’engager que par le passé. Frédéric Moinet estime qu’un an plus tôt, sa levée de fonds aurait déjà été bouclée.
La tentation du marché américain
«Il est plus difficile pour les start-up de lever des fonds en ce moment», abonde Brigitte Leridon, PDG et cofondatrice de PioniQ Technologies. La deeptech, également issue des laboratoires du CNRS, développe une micro-batterie sans matériaux critiques ni risques d’emballement thermique. Elle a réussi à lever deux millions d’euros en pré-amorçage en 2024 auprès du fonds Quantonation, spécialisé dans les technologies quantiques.
La start-up, qui se dit «très courtisée» par des fonds américains, vise maintenant une levée de fonds en amorçage de sept millions d’euros d’ici à la fin de l’année. Pour l’heure, l’objectif est de rester en Europe, mais Brigitte Leridon n’est pas sûre de garder ce cap à long terme. «Certains fonds français et européens ne comprennent pas ce qu’est la deeptech, puisqu’ils nous disent que si on ne réalise pas encore de chiffre d’affaires ça ne les intéresse pas, déplore-t-elle. Ce n’est pas comme ça qu’on a des technologies de rupture, et c’est ce que les américains, eux ont bien compris».
Pour la start-up, qui veut produire des batteries pour véhicules électriques ou le stockage stationnaire d’ici dix ans et une mini batterie d’ici quatre ans, il il essentiel de ne pas aller trop vite, sous peine de commettre des erreurs stratégiques. Or, estime la chercheuse, les réticences à la prise de risque de certains fonds sont d’autant plus regrettables que les start-up françaises bénéficient «d’un système d’accompagnement fantastique au démarrage» et bien sûr de laboratoires de recherche de grande qualité. «En France on arrive à lever jusqu’à 30 millions, mais quand il faut aller chercher 100 millions c’est plus compliqué, regrette-t-elle. Dans le même temps, plusieurs fonds américains aimeraient nous amener sur le marché américain et prendre des parts dans l’entreprise. Et à un moment donné, quand nous allons grossir la question va se poser.»
Le passage à l’échelle compliqué en Europe
«Aux Etats Unis il y a une culture entrepreneuriale scientifique dans les fonds. Les investisseurs ont un doctorat en biologie ou en médecine, alors qu’en France l’entrepreneuriat est plus financier, avec une demande de retour sur investissement plus rapide, confirme Sidarth Radjou, CEO de la biotech Okomera. Mais on ne peut pas faire du profit pendant qu’on développe une molécule.» La jeune pousse reproduit sur une puce micro fluidique ou organoïde des cellules cancéreuses afin de personnaliser des traitements ou de tester de nouvelles molécules.
Issu d’une dizaine d’année de recherche au sein de l’institut Pasteur, la start-up a déjà levé 10 millions d’euros, essentiellement en France – contre quelque 300 millions pour ses concurrents américains – et prépare un nouveau tour de table l’année prochaine. Sidarth Radjou estime très compliqué de réunir de telles sommes au sein de l’Union européenne. Toutefois, l’entrepreneur dit susciter plus d’intérêt des responsables politiques français depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir aux Etats-Unis.
Comme l’a rappelé la Commission européenne le 28 mai lors de la présentation de son plan d’accompagnement des start-up, si l’Europe crée plus de jeunes pousses que les Etats-Unis, seules 8% des scale-up (celles passées à l’échelle) mondiales sont basées en Europe. En 15 ans, 30% des licornes européennes se sont délocalisées hors de l’Union. Un retard, pointé par le rapport Draghi, auquel Bruxelles veut remédier en créant un fonds d’investissement public-privé, «ScaleUp Europe», qui devrait allouer près de 10 milliards d’euros de financements aux start-up en phase de montée en puissance. Pour accompagner notamment la mise à l’échelle de technologies «à haut risque et à forte intensité de capital nécessitant des investissements supérieurs à 100 millions d’euros», a avait rappelé la Commissaire européenne en charge des start-up Ekaterina Zaharieva.