Difficile de le manquer. Le lundi 14 avril 2025, le Silver Dawn, un luxueux paquebot de croisière sous pavillon des Bahamas, a fait escale dans le port de Rouen (Seine-Maritime). Mesurant 212 mètres de long et 27 de large, cette gigantesque embarcation peut accueillir jusqu’à 596 passagers à son bord. Le navire est reparti le mercredi 16 avril dans la nuit. Avec le passage de ce géant des mers dans le port du Rouen, une question peut se poser : quelle est la quantité de pollution générée par ce genre de paquebot ?
« L’équivalent d’1 million de voitures par jour »
Sur les réseaux sociaux, certains n’ont pas manqué d’ironie pour souligner le passage à Rouen, en ZFE (zone à faibles émissions), d’un tel paquebot.
La première source de pollution de ces navires provient de l’utilisation comme carburant d’un fioul lourd contenant du soufre. Celui-ci émet des fumées toxiques quand il est brûlé.
Au cours d’une séance au Sénat en juin 2023, Christian Bilhac, sénateur PRG de l’Hérault, s’adressait au secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargé de la mer à propos de la pollution de masse des paquebots de croisière géants. Lors de son allocution, il notait qu’un « bateau de croisière expulse la même quantité de soufre que l’équivalent d’1 million de voitures par jour ». On retrouve notamment ces données dans une étude de 2019 de T&E, la fédération européenne pour le transport et l’environnement.
Un navire de croisière arrêté à quai pendant une heure émet autant de pollution qu’environ 30 000 véhicules roulant à 30 km/h. Le fioul lourd utilisé par les paquebots contient 3000 fois plus de souffre que le diesel automobile. En 2018 en Europe, 94 paquebots émettaient dix fois plus de dioxyde de souffre que 260 millions de voitures.
Lors de la prise de parole, le sénateur fait également état de la pollution de l’air, ainsi que celle liée au rejet des eaux usées déversées dans les océans, « soit par exemple pour un paquebot de 4300 passagers, 1,9 million de litres d’eaux usées soit 442 litres d’eaux usées par personne par jour. Quant aux déchets solides, on évalue la quantité produite à 19 tonnes par jour, environ 4.4 kg par passager ». Concernant le Silver Dawn et sa capacité de 596 passagers, on se trouve sur une plus petite échelle.
Plus polluant qu’un navire de commerce
Le passage d’un bateau de croisière dans le port de Rouen s’avère beaucoup plus polluant que celui d’un navire de commerce, expliquait en 2022 Xavier Lemoine, directeur de l’aménagement territorial et environnement chez Haropa, interrogé alors par 76actu.
« Un bateau à quai continue de faire tourner ses moteurs pour le fonctionnement de son espace de vie. L’espace de vie d’un vraquier, c’est au maximum 20 personnes contre 1 000 à 2 000 personnes sur un paquebot. La quantité de particules rejetées doit être à peu près proportionnelle au nombre de passagers », soulignait-il.
Toutefois, selon des données récoltées par 76actu auprès d’Atmo Normandie et compilées dans ce même article, les paquebots représentaient en 2019 une part relativement faible des émissions parmi les autres types de bateaux, comprise entre 2,03 % pour les gaz à effet de serre et 2,7 % pour les PM2.5. Bien loin des vraquiers transportant des matières solides (environ 71 % des émissions) et des tankers (autour de 26 %).
La pollution continue une fois à quai
Par ailleurs, il faut également noter qu’une fois à quai, ces navires de croisières continuent de générer de la pollution, car les moteurs tournent afin d’assurer le fonctionnement des équipements de loisirs en tout genre.
Si l’on se réfère à sa fiche technique, le Silver Dawn compte huit restaurants, six bars et salons, un spa, une salle de sport, un casino, une salle de spectacles et de théâtre, ou encore une piscine et trois jacuzzis.
11 paquebots dans le port de Rouen en 2025
Cette année, 16 escales de 11 paquebots sont attendues dans le port de Rouen, selon le site escalecroisière.com. Le prochain paquebot attendu à Rouen est le Phoenix Reisen. Il doit arriver le 25 avril prochain.
« Pour une croisière de cinq nuits sur 2000 km, cela équivaut à 500 kg de CO2 par individu, environ deux fois plus que ce qu’émet quelqu’un qui prend l’avion sur la même distance », souligne Xavier Lemarcis, membre de l’Organisation environnementale Écologie Pour Le Havre et de la FNE Normandie.
Des efforts pour réduire la pollution ?
Certaines compagnies réalisent des efforts afin de diminuer le rejet de polluants dans l’air et se conformer à la réglementation. En effet, de plus en plus de paquebots utilisent des « scrubbers », comme le relate l’organisation européenne T&E.
Dans un article de 2023, la fédération européenne pour le transport et l’environnement explique que « ce dispositif consiste à utiliser l’eau de mer pour filtrer les gaz d’échappement du navire ».
« Le problème, c’est que la plupart des ‘scrubbers’ fonctionnent en circuit ouvert. Les navires vont donc rejeter dans la mer de l’eau chargée en polluants, comme des métaux lourds ou des particules fines, qui vont perturber l’écosystème marin. Au final, la pollution est juste déplacée de l’air à l’eau », souligne dans ce même article Fanny Pointet, la responsable du Transport maritime à T&E France.
Interrogée par 76actu, Joël Gernez, le président FNE Normandie souligne de son côté que « de nouvelles législations imposent aux paquebots d’utiliser un carburant propre quand ils sont au port, mais ce n’est pas tellement appliqué ».
Par ailleurs, il met en avant deux autres pollutions générées par ce type de navire qui sont parfois oubliées : « Il y a la pollution sonore et aussi la pollution lumineuse. La nuit, ce sont de véritables sapins de Noël. »
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