La concurrence des finales NBA et des innombrables affiches de baseball ne suffisait pas. Le 14 juin, s’est ouverte aux États-Unis la 18e édition de la Gold Cup en même temps que la « nouvelle » Coupe du monde des clubs lancée en grande pompe par la FIFA et alors que la saison de la MLS se poursuit comme si de rien n’était (*). Qualifiée pour la sixième fois de son histoire, la Guadeloupe en a fait l’amère expérience pour son entrée en lice, lundi à Los Angeles face au Panama (2-5).
Dans le stade du LA Galaxy, la rencontre s’est disputée devant des gradins presque vides qui se sont brusquement remplis sur la fin grâce aux spectateurs venus… pour le match suivant entre le Guatemala et la Jamaïque (1-0). « Ça tombe un peu mal, souffle Jocelyn Angloma, sélectionneur des Gwada Boys depuis 2017. On se retrouve déjà dans un groupe relevé, cette année c’est compliqué pour exister. »
Le handicap de ne pas être reconnue par la FIFA
Droit comme un i et toujours athlétique malgré ses 59 ans, l’ancien défenseur des Bleus ne s’en cache pas : il aimerait faire parler davantage de son équipe. Histoire d’attirer la lumière et les moyens sur une sélection confrontée à plusieurs obstacles pour se développer. Département d’Outre-mer donc dépendante de la FFF, la Guadeloupe n’est pas reconnue par la FIFA et ne peut participer aux qualifications pour une Coupe du monde. En revanche, l’île est membre de la CONCACAF et peut prendre part aux compétitions de la zone d’Amérique du Nord et centrale.
Son statut a deux conséquences directes. Primo, elle ne reçoit pas de subsides de la FIFA et ne compte que sur ceux de la CONCACAF, quatre à cinq fois inférieurs. « Financièrement, c’est dur, précise Angloma. Pour trouver un match amical, la Caraïbe c’est compliqué. C’est presque plus facile d’aller jouer en métropole. » Là où un sponsor local va verser 10 000 ou 20 000€, la Ligue guadeloupéenne explique devoir par exemple débourser « 150 000 à 200 000€ » si elle doit affréter un charter pour ramener les joueurs vers leurs clubs.
C’est le second effet Kiss Cool. « On doit sans cesse discuter avec les joueurs, avec les clubs, pour les convaincre puisque ce ne sont pas des matches FIFA, poursuit le champion d’Europe 1993 avec l’OM. Pour cette Gold Cup, on a fait les demandes depuis janvier pour les sensibiliser en cas de qualif. » L’île est encore marquée par un précédent douloureux. À l’été 2023, Jordan Tell avait été licencié par son club, Grenoble, pour ne s’être pas présenté à la reprise alors qu’il disputait la Gold Cup.
« Aujourd’hui, c’est plus fluide. On se structure, on s’organise »
Jocelyn Angloma, sélectionneur de la Guadeloupe
« Aujourd’hui, c’est plus fluide, assure Angloma. On se structure, on s’organise. » Franck Silvestre fait office de superscout, chargé de repérer et appeler les joueurs éligibles, secondé par le jeune retraité Mickaël Alphonse. « On a le Pôle Espoir, on a un vrai staff avec docteur, prépa mental, deux intendants aussi. Il y a quelques années, c’est l’entraîneur des gardiens qui pouvait s’occuper de l’intendance. »
Revenu sur son île à l’issue de sa carrière, le natif des Abymes avait rechaussé les crampons à 41 ans et pris part à la première épopée des Gwada Boys, demi-finalistes de la Gold Cup 2007. « Quand on y va, on ne connaît rien, se souvient-il. Pour la qualification à Trinidad, on avait acheté nos maillots sur place, des shorts Adidas. À l’époque, on avait certains joueurs qui évoluaient en N2 voire en R1. Aujourd’hui, on a des L2, des L1, des joueurs à l’étranger. »
Depuis le banc, il juge l’évolution positive mais appelle à passer à la vitesse supérieure. « On commence à se faire un nom. Il y a deux ans, on fait 2-2 contre le Canada, là on a battu le Nicaragua en barrage (1-0, 1-0), souligne-t-il. C’est pourquoi on a besoin de performer sur ce type de compétition. Ça offre de la visibilité, de l’expérience du haut niveau. On aimerait ne pas se contenter de participer, on voudrait plus. Teddy Riner, Marie-José Perec… Comme on est une terre de champions, ils estiment qu’il n’y a pas à mettre de moyens. Mais ça nous empêche d’aller vraiment vers le haut niveau. » Déçu par l’entame de son équipe, à court de rythme et menée 4-0 au bout d’une vingtaine de minutes par le Panama, il attend un rebond face à la Jamaïque, samedi à San José. Sous peine de prolonger un peu plus le passage à l’ombre.