Dans la droite ligne de sa stratégie visant à occuper une position de leader sur le marché des brise-glaces, le constructeur québécois Davie a annoncé cette semaine avoir entrepris d’acquérir les chantiers navals du groupe américain Gulf Copper. Un investissement qui s’inscrit dans le sillage de l’ICE Pacte annoncé l’an dernier par les États-Unis, le Canada et la Finlande afin d’accélérer la production de brise-glaces pour répondre aux enjeux autour de l’Arctique.
Après le chantier finlandais Helsinki Shipyards fin 2023, Davie poursuit son développement international. Cette fois, il a annoncé sa volonté d’acquérir les chantiers navals du groupe américain Gulf Copper, qui compte plusieurs sites de construction et de réparation navales à Galveston et à Port Arthur, au Texas. « Nous partageons la vision de Gulf Copper, qui consiste à faire du Texas un centre de classe mondiale pour la production américaine de brise-glaces et de navires complexes. Le Texas est prêt à entrer dans un nouvel âge d’or de la construction navale américaine, soutenu par notre engagement à livrer des navires dans le respect des délais, du budget et des priorités en matière de sécurité nationale », a déclaré James Davies, président du groupe canadien, lorsque la nouvelle a été annoncée le 11 juin. L’opération, encore soumise à la fin du processus administratif et juridique, devait être finalisée cet été.
L’ICE Pacte
Cet investissement s’inscrit dans le cadre du « Pacte de collaboration sur les brise-glaces », dit ICE (pour Icebreaker Collaboration Effort), qui a fait l’objet d’un protocole d’accord signé en novembre dernier par les États-Unis, le Canada et la Finlande. Ceux-ci ont annoncé vouloir unir leurs forces pour produire des navires capables de naviguer dans l’Arctique, afin de mieux y protéger leurs intérêts et leur souveraineté. L’ICE Pacte doit stimuler l’innovation et permettre de renforcer l’industrie navale de ces pays. Basé à Québec, Davie a habilement joué sa partition alors que les projets de nouveaux brise-glaces en Amérique du Nord patinent depuis des années, accumulant retards et surcoûts. La faute à une perte de compétences et de compétitivité sur ce marché très spécifique et technique sur lequel très peu de navires ont été réalisés au Canada et aux États-Unis ces dernières décennies. Le constructeur québécois s’est donc offert Helsinki Shipyard, l’un des plus grands spécialistes européens des brise-glaces.
Le modèle Polar Max retenu par le Canada
Un savoir-faire qui lui a permis de travailler avec les bureaux d’études du chantier finlandais et ses partenaires d’Europe du Nord pour proposer une solution à la Garde-côtière canadienne, qui ne compte plus aujourd’hui qu’un unique brise-glace lourd, le vénérable Louis S. St Laurent, mis en service en 1969. Il en a résulté le modèle Polar Max, développé par Helsinki Shipyard sur la base du design ARC 148 d’Aker Arctic. Un accord a été conclu en mars dernier avec le gouvernement fédéral d’Ottawa pour la construction d’un brise-glace lourd de ce type, qui doit se chiffrer à 3.25 milliards de dollars canadiens. Le navire de 138 mètres et 22.800 tonnes, qui sera réalisé dans la capitale finlandaise, devrait être livré d’ici 2030. Pour mémoire, le gouvernement canadien a commandé concomitamment un autre brise-glace lourd d’un type différent (158 mètres, 26.000 tonnes) au chantier Seaspan de Vancouver, pour un coût estimé à 3.15 milliards de dollars canadiens. Deux unités capables de franchir une épaisseur de glace de 3 mètres.
Un brise-glace moyen à l’étude
Parallèlement, Davie, avait déjà signé, un an plus tôt, un contrat d’études pour une nouvelle classe de brise-glaces moyens destinés là encore à la Garde-côtière. Celle-ci compte acquérir jusqu’à six navires de cette catégorie afin notamment de remplacer les unités des types Henry Larsen et Pierre Radisson, mises en service entre 1978 et 1988.
« une position unique dans le cadre l’initiative trilatérale »
Fort de ces succès, Davie veut donc se placer en position centrale pour l’ICE Pacte, d’où sa décision stratégique de s’implanter désormais aux États-Unis en rachetant des chantiers locaux travaillant en particulier pour l’industrie offshore du golfe du Mexique. « Davie est déjà implanté au Québec, ainsi qu’à Helsinki, où environ 50 % de la flotte mondiale de brise-glaces ont été construits. L’ajout d’un chantier naval américain permettrait à Davie d’occuper une position unique dans le cadre l’initiative trilatérale de collaboration en matière de brise-glaces (ICE Pacte), afin de livrer rapidement des brise-glaces de pointe à grande échelle et à un coût compétitif, contrant ainsi les programmes fortement subventionnés de ses adversaires. La Russie, par exemple, exploite une flotte de près de 50 brise-glaces adaptés à l’Arctique. Avec seulement trois brise-glaces adaptés à l’Arctique actuellement en service, le gouvernement américain a fait de la réduction de cette lacune urgente en matière de sécurité nationale une priorité absolue. Davie possède des modèles de brise-glaces commercialement viables et prêts à la production, qui répondent aux exigences des missions américaines, offrant des délais de livraison réduits et une rentabilité accrue pour les contribuables américains », développe le groupe canadien.
1 milliard de dollars d’investissements prévus à Galveston et Port Arthur
Une fois la transaction finalisée et les contrats signés, Davie, qui dit avoir reçu « un soutien important » de Washington DC pour son projet, prévoit d’investir un milliard de dollars pour moderniser les installations des chantiers de Galveston et Port Arthur, tout en augmentant leur capacité de production. Un projet qui, selon le groupe, pourrait créer environ 4000 emplois aux États-Unis, dont environ 2000 directement chez Gulf Copper et 2000 autres dans la sous-traitance et l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.
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