« À 62 ans et six mois, j’ai demandé ma retraite le 1er août 2024 avec effet au 1er janvier 2025. J’ai adressé les justificatifs en temps voulu. Sur la Cnav, caisse nationale d’assurance vieillesse, mon dossier est « En cours de traitement ». C’est l’aide financière de ma famille (qui aura une fin) et son soutien moral qui me permettent de « tenir » », écrivait, ce 25 avril 2025, une sexagénaire d’Île-de-France sur la plateforme « je donne mon avis avec Services publics plus » qui permet aux usagers de partager leur expérience. Et ces mauvaises expériences se multiplient.
Au 31 décembre 2024, l’Assurance retraite comptait 15,4 millions de retraités. Un nombre en constante augmentation : ils étaient 10 millions il y a 20 ans, et cinq millions il y a 40 ans (soit plus cinq millions tous les 20 ans).
Au cours de l’année 2024, plus de 865 470 personnes ont pris leur retraite, mais il y a des couacs et des retards dans les paiements. Et ce, par milliers. Certains ne touchent pas de pensions, car leur dossier n’est pas validé. D’autres ne voient pas arriver les revalorisations en fonction de l’inflation… Et la Cnav l’admet, sur actu.fr, évoquant « un phénomène récurrent à l’échelle nationale, malheureusement, même si on fait tout pour le diminuer progressivement ».
Des jeunes retraités sans revenus pendant des mois
L’organisme français de Sécurité sociale qui gère la retraite de base des salariés du secteur privé, des travailleurs indépendants, des contractuels de droit public et des artistes-auteurs, ainsi que la retraite complémentaire des travailleurs indépendants, chiffre, sur actu.fr, à 25 000 ces dossiers qui seront « calculés et payés en retard ».
Et la Cnav, sans minimiser cette problématique qui laisse parfois pendant des mois des jeunes retraités sans revenus, l’explique, en partie. Elle met en premier lieu en avant des milliers de dossiers déposés « tardivement, ou après la date de départ choisie ».
Autre explication avancée : la moitié de ces dossiers concerneraient des assurés qui résident à l’étranger ou qui ont eu une carrière en partie à l’étranger, avec « des liaisons internationales parfois délicates ». Autres cas soulevés dans les témoignages, ceux de personnes qui se sont retrouvées au chômage en fin de carrière.
« Des dossiers prennent plus de temps »
Pour la Cnav, le délai de traitement d’un dossier retraite est « entre deux mois et demi et trois mois », mais cela reste « une moyenne », reconnaît la caisse de retraite, car, « malheureusement, certains dossiers prennent plus de temps… ». Et parfois beaucoup, beaucoup, plus de temps.
En attendant, des voix s’élèvent autour des galères de ces retraités. Karim Ben Cheikh, député (Écologiste et social) de la 9e circonscription des Français de l’étranger, s’est fendu d’une question à la ministre du Travail, début avril 2025, sur la situation de ces retraités français établis à l’étranger ou qui ont effectué une partie de leur carrière à l’étranger. Ils sont confrontés à de très nombreuses difficultés « dues à l’enchevêtrement des dispositifs institutionnels, législatifs et réglementaires qui leur sont applicables », pointe-t-il.
Le député évoque aussi les conséquences de la réforme des retraites, et la différence entre l’âge légal de départ à la retraite dans le pays dans lequel l’employé exerce ses fonctions et l’âge légal de départ à la retraite en France, augmenté à 64 ans depuis la réforme de février 2023.
Cela aboutit à ce que les employeurs proposent un départ à la retraite, « alors même que l’employé n’a pas atteint l’âge légal de la liquidation de pension dans le régime français et ne peut donc ouvrir ses droits », souligne-t-il.
Dans les pays dotés de convention de sécurité sociale avec la France, les bénéficiaires introduisent leur demande de liquidation auprès de l’organisme local correspondant de la Cnav. La procédure peut être extrêmement longue. Des délais de plusieurs années sont fréquemment observés et ce problème est remonté très régulièrement par les élus locaux, conseillers des Français de l’étranger.
Le sénateur de l’Eure Hervé Maurey (Union centriste) a lui aussi alerté la ministre du Travail sur les conséquences financières de ces délais de traitement des dossiers. Il met de son côté en avant ceux qui ont perdu leur emploi quelques mois avant la liquidation de leur retraite.
« Des délais de traitement si longs, qu’ils dépassent l’échéance des six mois »
Après six mois de versement des allocations chômage aux ayants droits, France travail exige d’eux qu’ils fournissent un relevé de carrière pour pouvoir continuer de bénéficier du versement de leurs droits. Et, lorsque l’ayant droit a été licencié quelques mois avant de pouvoir liquider sa retraite à taux plein, ce document est émis par la Cnav, mais, là encore, souligne-t-il, « les délais de traitement des dossiers par cette caisse peuvent être si longs, qu’ils dépassent l’échéance des six mois ! ».
Conséquence : des Français peuvent se retrouver sans ressources pendant plusieurs mois, alors qu’ils devraient percevoir une allocation chômage comptabilisée dans le calcul de leurs trimestres cotisés au régime général des salariés.
Des dossiers complexes à traiter pour les agents, parfois débordés
Du côté des syndicats des agents de la Cnav, on évoque aussi la charge de travail, un sous-effectif doublé d’une complexité accrue des dossiers, afin de justifier ces retards.
Les carrières sont moins linéaires, plus souvent hachées et de nouvelles règles s’enchaînent, depuis quelques années. « Un dossier qui se faisait peut-être en dix minutes il y a deux ans se fait maintenant en trois quarts d’heure », expliquait un salarié à Franceinfo fin janvier, alors que la CFDT, la CGT, la CFTC et l’UNSA appelaient à la mobilisation pour dénoncer une « forte dégradation de leurs conditions de travail », mais aussi « une surcharge insoutenable ».
Des agents traiteraient parfois 200 demandes actives simultanément, déplorant un nouveau système informatique qui multiplierait les bugs et correctifs à répétition.
Dans la nouvelle convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et la Cnav sur la période 2023-2027, il a néanmoins été convenu de réduire « significativement » ces délais de traitement, une volonté qui figure ainsi « au cœur de la stratégie » de la Cnav.
Il s’agira notamment, d’ici 2027, de construire des modèles plus efficaces pour détecter et traiter les dossiers dont l’instruction « se révèle complexe », écrit la Cnav. Mais la mise en place d’un « circuit d’échanges dématérialisé des documents avec des caisses de retraite étrangères » n’est, par exemple, pas prévue avant 2026…
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