Le rapprochement donne naissance à la deuxième plateforme en Europe avec près de 2000 milliards d’euros sous gestion, derrière Amundi.
1.900 milliards d’euros d’encours et une place parmi les leaders de la gestion d’actifs en Europe: c’est l’ambition que se donnent le français Natixis IM et le numéro un de l’assurance en Italie Generali, qui ont annoncé mardi la signature d’un protocole d’accord. BPCE et Generali Investments Holding, maisons mères des deux filiales, souhaitent créer une entité commune détenue à 50-50 pour construire «un leader européen de l’asset management», selon les mots de Philippe Donnet, directeur général de Generali.
Dans ce projet d’accord dévoilé mardi, Natixis IM apporterait l’ensemble de ses encours, soit près de 1300 milliards d’euros, Generali contribuant à hauteur de plus de 630 milliards d’euros, ont confirmé les deux entreprises lors d’un point presse téléphonique. Natixis IM appartient au groupe BPCE, qui rassemble notamment les Banques populaires et les Caisses d’épargne et connaît un nouvel élan depuis l’arrivée aux manettes fin 2022 de Nicolas Namias comme président du directoire.
Avec 1900 milliards d’euros d’actifs, la nouvelle entité pourra rivaliser avec Amundi, filiale du Crédit Agricole et leader européen du secteur, forte d’un encours de 2192 milliards d’euros au troisième trimestre 2024. Selon BPCE et Generali, la co-entreprise deviendrait même le premier gestionnaire d’actifs en Europe en termes de revenus, qu’ils évaluent à 4,1 milliards d’euros. Ils estiment le bénéfice net ajusté de la future entité à 700 millions d’euros. Philippe Donnet a salué la «puissante» émulation «des forces» des deux entreprises qui servira la nouvelle entité, dont la gouvernance sera «très bien équilibrée».
Concernant le contrôle conjoint de la nouvelle entreprise, Nicolas Namias assurerait la présidence du conseil d’administration, tandis que Philippe Donnet serait vice-président. Woody Bradford, directeur général de Generali Investments Holding, deviendrait directeur général de la nouvelle entité, et Philippe Setbon, DG de Natixis IM, en serait le directeur général adjoint.
Un secteur en ébullition
Le secteur de la gestion d’actifs est en ébullition depuis l’annonce l’été dernier de la reprise par BNP Paribas de la filiale de gestion d’actifs de son compatriote Axa, pour 5,4 milliards d’euros. Cette acquisition devrait être achevée mi-2025. Les acteurs européens ne veulent pas être en reste face aux mastodontes américains, dans un marché dominé par des groupes américains comme BlackRock (11.475 milliards de dollars sous gestion à fin septembre), JP Morgan ou Goldman Sachs.
À l’heure où les banques centrales appellent à la création de géants bancaires européens, le rapprochement de métiers, comme la gestion d’actifs, est moins complexe que des fusions à l’échelle de groupes entiers. La gestion d’actifs, un métier de volumes, se prête bien aux économies d’échelle. Selon Nicolas Namias, la co-entreprise devrait permettre des synergies à hauteur de «200 millions d’euros par an».
Méfiance en Italie
Cet accord est cependant vu d’un mauvais oeil par deux actionnaires importants de l’assureur italien, le magnat de la construction Francesco Gaetano Caltagirone (6,92%) et Delfin, la holding de la famille Del Vecchio (9,93%). Ces deux investisseurs redoutent une perte de contrôle de Generali sur l’épargne nationale en cas de fusion avec des actifs français et pourraient demander la convocation d’une assemblée générale extraordinaire des actionnaires pour examiner l’accord, a indiqué à l’AFP une source proche du dossier.
Les trois membres de ce camp adverse sur les treize que compte le conseil d’administration ont voté contre cet accord, selon cette source. Le gouvernement de droite et d’extrême droite de Giorgia Meloni suit cet accord franco-italien de très près et pourrait avoir recours au «golden power», qui lui confère des pouvoirs spéciaux dans des secteurs considérés comme stratégiques pour le pays.
Mardi matin, Philippe Donnet a balayé les «soi-disant» risques d’un revers de la main: «il s’agit d’une plaisanterie car notre processus d’investissement n’a pas été modifié», a-t-il expliqué, ajoutant que «l’épargne des Italiens se trouve dans les compagnies d’assurances italiennes» qui «resteront en Italie» et «décideront de leurs investissements». «Nous créons un nouveau champion de la gestion d’actifs. Mais en fin de compte, les propriétaires d’actifs restent les assureurs, c’est-à-dire Generali, BPCE Assurances ou CNP Assurances. Et ce sont eux, et non les gestionnaires d’actifs, qui décident de l’allocation stratégique des actifs», a abondé Nicolas Namias.