Encadrement de l’activité, bataille en coulisses, parcours client… Pledg, Alma et Floa se confient au JDN sur la directive européenne qui transforme le BNPL en crédit à la consommation.
BNPL = crédit à la consommation. Voilà la nouvelle réalité qui attend les fournisseurs de solutions de paiement fractionné. Pour combattre le surendettement des ménages, l’UE a présenté en 2023 la directive “relative aux contrats de crédit aux consommateurs” dont l’entrée en vigueur devrait intervenir en novembre 2026. Cette directive fait rentrer le BNPL dans le cadre réglementaire du crédit à la consommation et impose aux spécialistes du paiement fractionné une série d’obligations : contrôle de solvabilité et d’identité du consommateur, clarification des informations précontractuelles (dont le coût total du crédit), obtention d’un agrément ou encore mention de l’expression “crédit consommation” dans les publicités.
Un texte plutôt salué
Pas de quoi effrayer Marc Lanvin, directeur général adjoint de Floa, un spécialiste du BNPL racheté par BNP Paribas en 2022 : “Le paiement fractionné c’est vraiment du crédit. La réglementation permet de donner un caractère officiel à notre activité donc on est très content”. La directive a également été assez bien accueillie chez Alma : “Pour la viabilité du marché à long terme, c’est une bonne nouvelle”, déclare Sébastien Dalphinet, secrétaire général. “D’un point de vue business, on n’a aucun intérêt à surendetter les consommateurs et à accepter les mauvais dossiers”, fait remarquer de son côté Nicolas Pelletier, fondateur de Pledg, une fintech acquise par le Crédit Agricole début 2024. Nos trois interlocuteurs sont également unanimes sur un point : le durcissement de la réglementation va permettre de combattre les pratiques agressives de concurrents étrangers qui ternissent l’image du BNPL.
Si le texte entrera en vigueur fin 2026, la France doit le transposer dans son droit national d’ici fin 2025. Comme pour chaque directive, cette phase de transposition nécessite un travail d’interprétation. En coulisses, certains acteurs espèrent que leurs intérêts seront pris en compte. “La directive demande qu’on étudie la solvabilité des clients. Pour cela, la France a décidé qu’on devait interroger le fichier national des incidents de remboursement des crédits (FICP), y compris pour les paiements fractionnés de moins de trois mois. Cette pratique est très couteuse pour Alma. Peut-être qu’elle dérange moins nos concurrents qui sont soutenus par des banques…”, explique Sébastien Dalphinet. “Chez Alma, on pousse pour une autre option pour ne pas surendetter les consommateurs : interdire ou limiter les frais de retard”. A priori, la fintech ne sera pas suivie dans son combat par Floa qui a déjà pris l’habitude de consulter ce fameux fichier avant de déclencher un paiement fractionné.
Bataille en coulisses
Pledg se démène aussi pour faire entendre sa voix : “La directive propose d’exclure de son champ d’application les commerçants qui font du paiement fractionné sur leurs fonds propres et sans frais (avec une durée maximale de 14 jours ou 50 jours à compter du début de la livraison selon la taille du commerçant, ndlr). La France peut tout de même choisir de soumettre les commerçants à la directive mais pour l’instant elle les laisse en dehors du dispositif. On a alerté le gouvernement car on ne comprend pas pourquoi ce régime durci ne s’appliquerait pas à tous les acteurs”, indique Marie Gillouard, spécialiste des questions juridiques pour Pledg et le Crédit Agricole.
“La directive pourrait indirectement contraindre l’entrée de nouveaux acteurs qui voudraient se lancer dans le paiement fractionné”
Et le parcours client dans tout ça ? “Si la France surinterprète le texte et que les consommateurs se retrouvent avec de nombreuses étapes à respecter pour payer, ils se détourneront du BNPL”, prévient Nicolas Pelletier. “Les clients ne supporteront pas une expérience client trop lourde juste pour un achat de 200 euros”, confirme Sébastien Dalphinet. “Mais on ne s’inquiète pas trop. Si c’est transposé de manière maximaliste, le parcours client ressemblera au pire à ce qu’on fait avec du paiement en 12 fois. Les acteurs qui proposeront la meilleure expérience client resteront”.
Enfin, si l’obligation d’interroger le FICP est bien maintenue, il pourrait y avoir une conséquence précise sur le marché du BNPL : “Plus on fait des petits volumes, plus cette pratique est couteuse. La directive pourrait indirectement contraindre l’entrée de nouveaux acteurs qui voudraient se lancer dans le paiement fractionné”, conclut Marc Lanvin.