Huit millions d’euros de fraudes avérées en 2024 et environ 16 000 dossiers litigieux, tels sont les chiffres qui ont conduit l’Etat à suspendre le dispositif MaPrimeRénov’ (pour la rénovation d’ampleur) jusqu’au 15 septembre prochain. Alors que la loi contre toutes les fraudes aux aides publiques a été promulguée le 30 juin, la solution proposée par Enedger, jeune fintech, pourrait bien faciliter les contrôles à l’avenir. « Entre MaPrimeRénov’ et les CEE, les fraudes représentent environ 500 M€ d’argent public », souligne Guillaume Loizeaud, président et fondateur de la société. « C’est un problème pour l’accompagnement des ménages modestes, alors que le climat continue de se réchauffer, et pour les entreprises sérieuses qui se trouvent pénalisées par la défiance généralisée ainsi créée », ajoute-t-il.
Afin de proposer une réponse globale à un problème systémique, les quatre associés d’Enedger ont tout d’abord identifié les différents types de fraudes : usurpation d’identité ou d’identifiant RGE, falsification ou duplication de documents comptables, vol de numéro RGE, manipulation du calendrier administratif, etc.
Géolocalisation.
Ils proposent ensuite aux artisans et entreprises de travaux d’utiliser leur logiciel pour montrer patte blanche. Celui-ci recoupe en effet les informations issues de 80 bases de données (DPE, Qualibat, RGE, données de valeur foncière, Kbis, Siren, cadastre, données satellites pour les travaux photovoltaïques, etc.), ce qui permet entre autres de lutter contre les usurpations d’identité ou de Siret. « Pour éviter les arrangements avec les dates, les devis sont simplement à envoyer par mail à Enedger », détaille Yann Person, l’un des associés. Les algorithmes « lisent » alors les informations et là aussi, les recoupent avec les bases de données, pour vérifier, par exemple, si un logement concerné par des travaux a fait l’objet d’un DPE quelques années plus tôt. Enfin, une fois le chantier ache-vé, les photos prises avec l’application sont automatiquement géolocalisées (y compris avec la mention de leur altitude pour tenir compte des résidences collectives) et horodatées. « Ce qui évite les cas de fraudes où les entreprises réutilisent plusieurs fois les mêmes photos sur des chantiers différents », reprend l’associé.
Enedger utilise la blockchain et l’intelligence artificielle pour vérifier les informations et les sécuriser. Plus précisément, il s’agit des technologies de trois sociétés expérimentées. OMN Studio, tout d’abord, est une start-up spécialisée dans l’exploitation de l’IA appliquée à la rénovation énergétique. Ocode, société basée en Vendée, utilise une blockchain privée et locale (donc moins énergivore). Son expertise relève de la gestion de preuve numérique, de la traçabilité des biens et de la sécurisation documentaire. Chez Enedger, les informations contenues dans la blockchain sont par ailleurs hébergées chez une dizaine d’acteurs différents et français. Enfin, IN Groupe, anciennement l’Imprimerie nationale, est spécialisé dans la sécurisation et la validation d’identité de personnes physiques et morales.
Maximiser l’impact.
« Cela fait deux ans que nous demandons ce type de solution à l’Etat », rappelle le président de la Capeb, Jean-Christophe Repon. Il faut désormais susciter l’adhésion maximale des entreprises de travaux. Pour cela, le tarif d’utilisation est de 15 euros par chantier. Pour être efficace, l’outil devra être utilisé par le plus grand nombre de professionnels possible. La puissance publique pourrait aussi décider de rendre l’usage de ce type de solution obligatoire.