Créée à Grenoble en 2015, la start-up est un leader mondial de la production de biométhane à partir du gaz de décharge.
« Notre objectif, c’est d’avoir un impact maximal sur le climat et nous sommes convaincus que la production de biométhane est l’une des solutions les plus pertinentes pour assurer la transition énergétique. » Quand il résume les ambitions de Waga Energy, Mathieu Lefebvre, son PDG, évoque dans un même élan son envie de « lutter contre le changement climatique » et de voir grandir son entreprise, dont le chiffre d’affaires a bondi de 67 % entre 2023 et 2024, pour s’établir à 55,7 millions d’euros. « Aujourd’hui, nous souhaitons déployer le plus largement possible notre technologie, pour avoir un impact sur les émissions de gaz à effet de serre, on ne se met aucune limite », poursuit-il, depuis le siège de l’entreprise, installée dans le sud de l’agglomération grenobloise et qui emploie aujourd’hui 250 personnes en France et à l’étranger.
En 2015, il cofonde ce qui n’est alors qu’une start-up, avec Nicolas Paget et Guénaël Prince, avec l’objectif de produire du biométhane, à partir du gaz généré naturellement par les déchets stockés dans les décharges. Tous les trois ont fait leurs classes en tant qu’ingénieurs chez Air liquide, où ils ont commencé à travailler dès 2007 sur une technologie permettant de séparer le méthane – un polluant atmosphérique majeur -, l’oxygène et le CO2 contenus dans ce biogaz issu de la fermentation des déchets, pour produire du biométhane. Ce dernier est ensuite réinjecté sur le réseau pour être utilisé comme source d’énergie, en substitution du gaz naturel d’origine fossile. Dix ans de travail sont nécessaires pour mettre sur pied la technologie brevetée des « Wagabox », de minicentrales qui permettent de capter et d’épurer le biogaz directement sur les sites d’enfouissement des déchets non recyclables, gérés par les collectivités ou les acteurs privés, et de réinjecter du biométhane dans le réseau existant.
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Mais les trois associés se heurtent à l’époque à la question de la mise sur le marché d’une « innovation de rupture », face à laquelle les clients sont réticents à prendre des risques. « Nous avons donc développé un modèle intégré, en étant à la fois concepteurs de la solution, investisseurs et exploitants », explique Mathieu Lefebvre. L’entreprise contractualise avec les gestionnaires des sites d’enfouissement, en restant propriétaire des installations, qui sont pilotées à distance par des opérateurs basés à Grenoble, qui s’appuient sur des techniciens locaux en cas de problème. Elle revend ensuite le biométhane produit à des énergéticiens ou des industriels.
Mais si le modèle intégré permet à l’entreprise de signer rapidement ses premiers contrats, il nécessite également de trouver les fonds suffisants pour investir continuellement. La start-up réalise ses premières levées de fonds dès 2015, notamment auprès d’Air liquide, et reçoit également un soutien financier de l’Ademe, une agence portée par l’État pour accompagner la transition écologique. En 2021, l’entrée en Bourse de Waga Energy lui permet de lever 126 millions d’euros et de « changer d’orbite ». « Ces levées de fonds sont notre fuel pour continuer à investir dans nos infrastructures (les Wagabox, NDLR), développe le dirigeant. Nous pourrions ralentir la croissance, mais nous sommes sur un marché qui compte des milliers de sites à équiper dans le monde, avec à la clé la possibilité d’avoir un vrai impact sur le changement climatique. » En 2022, l’intensification de la crise climatique et le déclenchement de la guerre en Ukraine, qui confronte les pays européens à la nécessité d’assurer leur souveraineté énergétique, renforcent un peu plus le modèle de l’entreprise, qui a construit son développement sur la production de gaz renouvelable et domestique.
200 millions de chiffre d’affaires en 2026
Dix ans après sa création, Waga Energy exploite aujourd’hui 30 unités de production, dont 23 en France, pour une production annuelle totale de 1,4 térawattheure (TWh), équivalent à la consommation d’environ 230 000 foyers français chauffés au gaz. « Notre objectif est d’atteindre les 4 TWh de production par an en 2026 », précise Mathieu Lefebvre. Soit l’équivalent de la consommation de 700.000 foyers français chaque année. Avec, à la clé, un chiffre d’affaires qui pourrait s’établir à cet horizon à 200 millions d’euros.
Dans les années 2006-2007, les prix du gaz ont commencé à s’envoler, ce qui a rendu pertinente la recherche d’alternatives
Mathieu Lefebvre, PDG de Waga Energy
Pour atteindre ces nouveaux points d’étape, l’entreprise compte résolument sur l’international, où se trouve l’essentiel du potentiel de développement. Présente au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne, au Canada, et, depuis quelques semaines, au Brésil, Waga Energy mise en particulier sur les États-Unis, où douze minicentrales Wagabox sont actuellement en construction. Elles verront le jour notamment en Californie et en Pennsylvanie. Mais comment réussir à imposer un gaz vert et renouvelable au pays du gaz de schiste, ce gaz fossile enfoui dans la roche que Trump veut encore développer ? « Les États-Unis sont un très gros consommateur d’énergie fossile, qu’il s’agisse du gaz ou du pétrole. Dans les années 2006-2007, les prix du gaz ont commencé à s’envoler, ce qui a rendu pertinente la recherche d’alternatives, explique Mathieu Lefebvre. Ils veulent de l’énergie “made in America” et on leur propose une énergie locale, qui est produite à partir de déchets américains et qui part sur leurs réseaux. C’est un modèle gagnant pour tout le monde. »