Le vert tendre du blé commence à tapisser la parcelle de Saint-Maclou-de-Folleville (Seine-Maritime). Loïc Thillard a l’œil sur les premières levées. Dans le champ, pas de simple culture, mais un terrain d’observation pour ce technicien d’expérimentation chez Natup. Depuis cinq ans, la ferme innovante du hameau d’Ordemare est devenue un lieu d’expérimentation agroécologique. « L’expression qu’on utilise, c’est celle de vitrine de la transition agroécologique », sourit l’agronome de formation.
Un observatoire à ciel ouvert
Le site consacre l’ensemble de ses 18 hectares aux tests de nouvelles pratiques culturales visant à promouvoir une agriculture plus durable. « On travaille ce qu’on appelle en essais système. Le but, c’est, à l’échelle de l’année, de réaliser toutes les actions qu’un agriculteur effectuerait sur sa culture », décrit l’expérimentateur.
Avant d’être intégrés à la ferme, les produits et variétés font en effet généralement l’objet de tests préalables en micro-parcelles, où un seul paramètre est modifié à la fois. « Un désherbant, un fongicide (un produit phytosanitaire contre les champignons) ou une variété, par exemple… Nous, on combine tous ces éléments sur un cycle complet afin que ce soit représentatif de la pratique des agriculteurs », développe ce dernier.
Blé, orge, maïs, betterave, colza et lin : chacune des neuf parcelles est cultivée avec différentes semences représentatives du secteur, au fil des ans.
De la préparation du sol jusqu’à la récolte, ces parcelles sont divisées en trois itinéraires distincts.
Le premier, conventionnel, sert de témoin de référence ; le deuxième vise une réduction de 50 % des traitements chimiques ; le troisième cherche à les supprimer totalement, en s’appuyant sur d’autres leviers : utiliser des biostimulants, des produits organiques, changer la variété de la culture ou décaler la date de semis, par exemple.
« Un agriculteur qui va vouloir diminuer ses intrants va réfléchir à tout un tas de variables, dont la variété, par exemple », illustre le salarié de la coopérative.
Les résultats sont ensuite comparés.
Ce protocole, imaginé en amont avec les techniciens innovation de la coopérative, permet d’observer l’évolution des sols et des rendements dans la durée, à l’échelle d’une rotation de neuf ans.
« On fait un peu le même métier que l’agriculteur. Il faut suivre la protection des plantes tout au long de la campagne, du semis à la récolte. C’est beaucoup de suivi visuel », assure celui qui peut passer ses matinées à appliquer des produits dans les champs.
Assurer une production
Loïc Thillard doit également réaliser toute une série de notations, de prélèvements, d’analyses statistiques et de synthèses des résultats.
« Le but, ce n’est pas de dire tel ou tel itinéraire est le meilleur, mais de comprendre pourquoi il l’est, insiste ce dernier. On regarde le rendement global, mais surtout sa performance technico-économique. On a besoin d’assurer une production. »
L’expérimentation entre dans une phase cruciale avec l’approche de sa deuxième récolte, après trois années de transition. « L’an dernier, c’était la première fois qu’on récoltait trois itinéraires par parcelle, contextualise celui-ci. Il n’y a pas encore de grande différence. Petit à petit, l’écart se creusera, et on pourra mieux parler de nos résultats. »

L’objectif est de partager les avancées avec les agriculteurs adhérents et, à terme, d’organiser des visites, permettant ainsi aux professionnels, souvent plus ou moins avancés dans la réduction de leur dépendance à la chimie, de se repérer par rapport à leurs propres pratiques.
« L’idée n’est pas d’arrêter tout et de ne rien faire, c’est de tout mettre en place pour accompagner la baisse. Les agriculteurs vont être plus ou moins contraints de faire une transition vers des pratiques plus durables. Ils ne s’en rendent pas forcément compte, mais on est déjà dedans », conclut le professionnel.
Les premiers agriculteurs visiteront la ferme fin mai-début juin, juste avant la moisson. Ils seront en petit groupe, pour profiter d’explications.
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