Moins connu que d’autres produits toxiques, il est pourtant omniprésent dans notre environnement et les rayons de supermarché, et fait peser des risques sanitaires en France, en particuliers sur les enfants, au point de susciter une « grande inquiétude » chez les médecins libéraux. Son nom : le cadmium.
Qu’est-ce que c’est ?
Le cadmium est un métal lourd, appartenant à la famille des métaux de transition. Présent naturellement dans l’écorce terrestre à de très faibles quantités, sa concentration dans nos sols a progressivement augmenté, d’une part, en raison de son usage dans de nombreux procédés industriels, et d’autre part, car il entre dans la composition des engrais phosphatés utilisés en agriculture afin d’améliorer le rendement des cultures.
Pourquoi inquiète-t-il les autorités sanitaires ?
Lundi, la Conférence nationale des unions régionales des professionnels de santé-médecins libéraux (URPS-ML) a adressé un courrier au Premier ministre et aux ministres de la Santé, de l’Agriculture et de la Transition écologique afin d’alerter sur ce qu’il décrive comme une « bombe sanitaire ».
En effet, en raison de ses propriétés physico-chimiques, très similaires à celles du calcium, le cadmium peut traverser les barrières biologiques et se fixer sur les os. En conséquence, une exposition prolongée pourrait provoquer des maladies osseuses comme l’ostéoporose (fragilisation excessive du squelette).
Également associé à la néphropatie (affection du rein), le cadmium inquiète tout particulièrement le corps médical pour son rôle dans l’apparition de cancers, et notamment « l’accroissement majeur et extrêmement préoccupant de l’incidence du cancer du pancréas », comme l’indiquait Santé publique France dans son étude Esteban en 2021.
Entre 2010 et 2023, son taux d’incidence en France a augmenté de 1,6 % par an chez les hommes et 2,1 % chez les femmes. Il pourrait devenir le deuxième cancer le plus mortel dans la prochaine décennie, d’après la Société nationale française de gastro-entérologie.
Comment nous intoxique-t-il ?
Si les médecins se sont décidés à sonner l’alarme sur ce métal classé cancérigène, c’est parce que nous y sommes chaque jour exposés. D’abord par l’alimentation. « En effet, dans le sol il pénètre facilement dans les végétaux par leurs racines et entre ainsi dans la chaîne alimentaire », souligne l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Parmi les aliments où la teneur en cadmium est la plus élevée, les abats, les crustacés, les biscuits sucrés et salés, les pâtes, le pain, les céréales, les pommes de terre, certains légumes comme les épinards, et même le chocolat.
Et certains de ses produits sont très fréquents dans l’alimentation… des enfants. C’est pourquoi l’URPS-ML s’alarme d’une « explosion de la contamination des jeunes enfants ». Selon l’étude de Santé publique France, 18 % des enfants (6 à 17 ans) dépassait le seuil de « concentration critique » fixé par l’Anses à 0,5 µg/g. Dans son étude sur l’alimentation infantile (2016), cette dernière affirmait même que près de 36 % des enfants de moins de trois ans dépassaient « la dose journalière tolérable par ingestion pour le cadmium ».
Qu’en dit le ministère de la Santé ?
Interrogé ce jeudi sur le sujet, le ministère de la Santé n’a pas répondu dans l’immédiat. Toutefois, selon le site gouvernemental Notre Environnement, les émissions dans l’air de cadmium ont diminué entre 2000 et 2016 de 81 % notamment en raison du « durcissement des exigences réglementaires sur le traitement des émissions atmosphériques des usines d’incinération de déchets ménagers, l’amélioration des procédés chimiques de traitement et la mise en place de dépoussiéreurs ».
En 2016, le taux du cadmium était « conforme aux normes de qualité dans l’ensemble des points de mesure dans l’air » en France métropolitaine, poursuit le site. « Seules deux masses d’eau de surface (lagune de Bages dans l’Aude et canal de la Deule dans le Pas-de-Calais) ont des concentrations excessives en cadmium et une masse d’eau souterraine présente des concentrations élevées (Moselle) ». Enfin, « dans le Nord, les vallées de la Somme et de la Seine aval, la Lorraine et l’Alsace, le cours du Rhône et son delta, certains sites et sols pollués par une activité actuelle ou ancienne sont également sources de dispersion de cadmium ».