Le gouvernement Legault se dit « ouvert » au mégaprojet de gazoduc, d’usine de liquéfaction de gaz naturel et de terminal maritime de GNL que l’entreprise Marinvest Energy veut construire à Baie-Comeau, sur la Côte-Nord. Des « discussions » ont d’ailleurs déjà eu lieu avec différents ministères, dont celui de l’Environnement, a indiqué vendredi le ministre Benoit Charette.
Le Devoir a révélé vendredi que la filiale canadienne de l’entreprise norvégienne travaille actuellement sur un projet d’exportation de gaz naturel de l’ouest canadien qui serait aussi imposant que le défunt projet GNL Québec, rejeté par Québec et par Ottawa au terme des évaluations environnementales du complexe industriel conçu pour favoriser la mise en marché de cette production d’énergie fossile.
Le gouvernement Legault est d’ailleurs au fait du projet et se dit « ouvert » à l’étudier. « Aucun projet n’est déposé à l’heure où on se parle. Cependant, le discours du gouvernement est le même depuis toujours. On évalue chaque projet à son mérite. Il n’y a donc pas de non sans avoir pris connaissance du projet. Par la suite, il sera évalué selon ses mérites », a fait valoir le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, sur les ondes du 98.5 FM.
« Il y a des discussions qui ont eu lieu avec différents ministères. Le ministère de l’Environnement a été informé », a-t-il également indiqué. « On est dans les toutes premières étapes du côté de l’entreprise, qui évalue ses options. Il est donc beaucoup trop tôt pour trancher sur la valeur d’un projet en particulier. »
« L’effet Trump »
Selon ce qu’a expliqué le ministre caquiste, le retour au pouvoir du climatonégationniste Donald Trump pèse dans la balance.
« L’effet Trump se manifeste notamment au niveau de nos besoins énergétiques. On doit développer une plus grande indépendance par rapport aux États-Unis à tous les niveaux. Donc on est ouvert à recevoir des projets, mais par la suite, ces projets doivent se qualifier selon nos réglementations environnementales et, naturellement, il faut s’assurer que l’acceptabilité sociale où les projets seront implantés. »
Plus tôt cette année, le ministre Charette avait déjà indiqué que Québec était ouvert à un éventuel projet de GNL, en revenant sur le projet GNL Québec, rejeté par le gouvernement en 2021. « À la base, on se souvient des conclusions du BAPE, on se souvient des conclusions du ministère de l’Environnement. Si on répond à ces craintes-là, aujourd’hui, ce sont des projets qui pourraient être acceptés. Ce sont des projets étudiés à leur mérite », avait-il affirmé.
Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) avait conclu que le projet GNL Québec provoquerait une hausse des émissions de gaz à effet de serre et qu’il risque de ralentir la transition énergétique nécessaire pour lutter contre la crise climatique, en plus de représenter des risques en matière d’acceptabilité sociale et de protection de la biodiversité.
Gazoduc au Québec
Le projet de Marinvest Energy impliquerait la construction d’un gazoduc de plusieurs centaines de kilomètres en sol québécois, afin de connecter la future usine de liquéfaction au réseau canadien de TC Energy.
Il serait ainsi possible de transporter jusqu’à Baie-Comeau du gaz exploité en Alberta, principalement par fracturation, une industrie interdite au Québec.
En ce qui a trait à l’usine, elle pourrait être installée directement en milieu marin, dans les eaux du Saint-Laurent de la baie des Anglais, située à l’est de Baie-Comeau, selon les informations obtenues par Le Devoir. Des discussions à ce sujet sont d’ailleurs en cours depuis quelques mois avec la corporation de gestion du port de Baie-Comeau. Mais pour le moment, on ne sait pas quand pourrait être présenté le projet définitif de l’entreprise.
« Pendant que des lobbyistes négocient en coulisses, les Québécois sont laissés dans l’ignorance d’un projet qui pourrait s’avérer dévastateur autant pour leur portefeuille que pour le bien-être de la planète », a dénoncé vendredi Louis Couillard, responsable de la campagne climat-énergie chez Greenpeace Canada.
« Qui va vouloir payer la facture d’un projet du siècle dernier qui risque fortement de ne jamais être rentable ? » a-t-il demandé.
Le gouvernement Legault estime qu’il est trop tôt pour évoquer un soutien financier. Le projet LNG Canada, qui vient de commencer l’exportation de gaz naturel liquéfié à partir de la côte ouest, a coûté près de 40 milliards de dollars. Il a reçu un soutien politique et financier du fédéral.
« Le gouvernement Legault doit arrêter de se laisser berner par une industrie d’un autre siècle, fermer définitivement la porte aux pipelines et mettre son énergie et notre argent à la bonne place », a dénoncé pour sa part Anne-Céline Guyon, analyste climat-énergie chez Nature Québec. « Un nouveau projet de gaz naturel liquéfié en 2025, c’est absurde. »