Après bien des tribulations et des interruptions répétées, le titre est encore là, entre nouveauté et nostalgie qui réunit, grâce à ses timoniers actuels Jerry Frissen et Lloyd Chery, une belle brochette de talents à l’occasion de cet anniversaire.
Comment interpréter cette couverture signée Frederik Peeters où l’on voit un quidam (le Major Fatal ?) dévorer le portrait de Jean-Pierre Dionnet, rédacteur en chef du premier Métal, réinterprété Par Etienne Robial, une couverture iconique et mégalo du Métal historique, comme si c’était un cachet de stupéfiant ? De façon évidente : la « machine à rêver » a stupéfié ses contemporains.
Souvenez-vous d’où on venait : entre la « bonne presse » catholique, les deux hebdos belges Tintin et Spirou, l’inaltérable Mickey et Pif Gadget le communiste, la BD, c’était pour les « nenfants » et la vétilleuse commission de censure « pour la protection de la jeunesse » y veillait.
Heureusement, les coups de boutoirs successifs de Pilote, de Hara Kiri, de Charlie Hebdo puis Charlie Mensuel, enfin de L’Echo des savanes, finirent par avoir raison de l’instance-croupion du ministère de la justice. Mais pour l’heure, nous n’en sommes pas encore là.
C’est dans le foulée de L’Echo des savanes que va naître Métal autour d’anciens de Pilote. Et autour d’un « mauvais genre », la science-fiction avec en ligne de mire des écrivains comme Isaac Asimov, Arthur C. Clarke, Robert A. Heinlein, Ray Bradury, Philip K. Dick et bientôt tous les films qui en seront tirés. Un secteur « niche » qui explique pourquoi Métal est d’abord un trimestriel.
Mais le génie de ses créateurs, et de son éditeur en particulier, Jean-Pierre Dionnet, qui s’ouvre très vite aux talents de la jeune génération en se débarrassant de la chrysalide de la SF (Margerin, Chaland, Clerc, Montellier et bien d’autres), est d’élargir son champ d’investigation au cinéma et aux autres genres. Interrogé dans ce numéro, il ne sent pas particulièrement « révolutionnaire » : Frigidaire en Italie et El Vibora en Espagne secouaient aussi le cocotier.
Jean-Pierre Dionnet. 50 après, il est toujours là. Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
Mais graphiquement, de l’Europe au Japon, des USA à la Turquie, Métal avait sidéré. Parce que ce n’était pas de la SF à l’état pur, mais du rock, du cinoche, de la littérature… Les Humanoïdes étaient des érudits gavés de BD classique mais aussi de littérature, de peinture, d’art…
Ce numéro reflète cette sidération : avec ses couvertures commentées d’Otto Maddox qui nous parle d’auteurs aujourd’hui aussi méconnus que cultes Jean-Michel Nicollet, Didier Eberoni, Chris Foss, Guido Buzelli, H.R. Giger, avec ses interview énamourées de Dionnet, de Robial, de Schuiten, de Ridley Scott ; avec ses hommages aux grands anciens de Frederik Peeters à Killofer, de Derf Backferf à Martin Panchaud, Marc Pichelin, Aimée de Jongh, Richard Guérineau, Stevan Subič,… des graphismes parfois très éloignés du canon originel.
Mais qu’importe le flacon pourvu qu’il y ait l’ivresse ! Nous sommes dans le souvenir et la célébration. Métal n’a pas perdu sa voix, il continue de hurler.
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