C’est le cabinet de conseil Carbone 4, sollicité par la Commission nationale du débat public (CNDP), qui a évalué l’empreinte carbone du projet E-CHO d’Elyse Energy sur le bassin de Lacq pour produire ses carburants de synthèse (e-méthanol et e-kérosène). Le rapport a été présenté lors de la troisième rencontre du comité de suivi mis en œuvre pour ce dossier, mardi 4 février, à Mourenx.
La méthodologie retenue par Elyse Energy est adossée à la directive européenne sur les énergies renouvelables (RED), avec pour objectif de réduire de 70 % l’émission de gaz à effet de serre par rapport au carburant fossile de référence (94 gCO2e/MJ). « Ces calculs nous paraissent globalement conformes à la méthode », a conclu Céleste Grillet, pour Carbone 4.
Et Elyse Energy, à la suite de la réunion, se félicitait d’un avis d’expert « qui confirme donc la capacité du projet à atteindre le seuil de 70 % de réduction en cycle de vie, nécessaire à l’équilibre économique du projet ».
« Il faudra attendre 60-80 ans pour avoir un meilleur bilan car les arbres abattus auront repoussé »
Plaidoyer pour la forêt
À ce « bilan réglementaire », c’est un « bilan réel » intégrant notamment les cycles de renouvellement du bois, qu’ont opposé Pierre Biscay, Peppino Terpolilli et Jacques Descargues. Ces représentants des associations de défense des forêts affirment « qu’à l’horizon de 20 ans, le e-biokérosène – leur principale cible – émettra plus de CO2 que le combustible fossile ». « Il faudra attendre 60-80 ans pour avoir un meilleur bilan car les arbres abattus auront repoussé, mais c’est dès aujourd’hui qu’il faut décarboner ! », alertent-ils, faisant état d’une « situation très critique de la forêt » d’autant que « de nombreux autres projets émergents (Biochar, Nacre, etc.) vont user de ses ressources ».
« Ce projet est une première brique avec une combinaison efficace de carbone issue de la biomasse et d’hydrogène qui multiplie le rendement par deux, a plaidé Mathieu Hoyer, directeur commercial d’Elyse Energy. « Je crois fermement à l’intérêt structurant du projet pour les filières (agricole, déchets, eau, électricité) afin d’aider nos écosystèmes à faire face au changement climatique. »
« La réglementation vous permet de démarrer une expérimentation qui va déforester nos régions, avec l’appui d’hommes politiques très haut placés et des élus », a accusé Emmanuel Perier, du collectif Forêts Vivantes Pyrénées. « L’État, absent de la concertation, mais décisionnaire, n’a-t-il pas embarqué la Communauté de communes de Lacq-Orthez (CCLO) dans une impasse avec ce projet au risque financier important ? », a appuyé Jacques Descargues, ancien secrétaire général de l’Office national des forêts (ONF).
Les opposants demandent donc un moratoire.
« On entend les craintes, mais ce qui apparaît avant tout c’est une interrogation fondamentale des approches réglementaires et politiques du sujet climatique »
Des directives « obsolètes » ?
« On entend les craintes, mais ce qui apparaît avant tout c’est une interrogation fondamentale des approches réglementaires et politiques du sujet climatique », a répondu Mathieu Hoyer pour Elyse Energy, dont le projet pèse 2 milliards d’investissement et 800 emplois directs et indirects.
Notons que pour le projet E-CHO, les opposants distinguent la production d’e-méthanol, destinée au transport maritime, qu’ils valident dans l’ensemble, de celle de « biokérosène » pour l’aéronautique, trop gourmande en ressource bois et eau, selon eux.
Pour rappel, l’une des trois usines du projet E-CHO – eM-Lacq, dédié à l’e-méthanol -, envisagée à Lacq dans un premier temps, a finalement été relocalisée à Pardies-Bésingrand. « Ce qui permet d’annoncer 15 % de réduction de consommation d’eau » par rapport au projet initial, se félicitent les responsables d’Elyse. Soit un volume ramené à 6,8 millions de m³. Au regard de la situation hydrologique de la région – « dans le rouge » – « c’est une baisse de 30 % qu’il va falloir réaliser », rétorquera la représentante du Bassin Adour Garonne.
Des militants de l’association Les Rondins des Bois manifestaient à l’entrée du siège de la CCLO, à Mourenx, mardi 4 février.
Hervé Pouyau
Bataille d’experts
Pour complexifier encore la bataille d’experts qui se joue autour des biocarburants d’Elyse Energy, on apprend que le think tank, The Shift Project, dont se réclament les scientifiques qui s’y opposent, a été fondé par le très médiatique Jean-Marc Jancovici… également cofondateur de Carbone 4, le cabinet missionné pour effectuer l’expertise sur le bilan du projet E-CHO.
Carbone 4 a par ailleurs signé un « scénario carbone » pour la filière bois en France, lequel émettait d’importantes réserves concernant l’utilisation de la ressource bois pour des biocarburants.