Première puissance agricole européenne, avec 88 milliards d’euros de production animale et végétale, la France fait face à un défi de taille : d’ici dix ans, la moitié de ses exploitants partiront à la retraite, entraînant la transmission de quelque 5 millions d’hectares. Ce renouvellement foncier représente à lui seul un besoin de financement estimé entre 30 et 40 milliards d’euros – un montant que ni l’Etat, ni les banques, ne peuvent assumer seuls.
Dans ce contexte, plusieurs acteurs proposent aux particuliers de contribuer à cet enjeu stratégique, grâce à des formules d’investissement accessibles. Souvent engagés et conçus sur le long terme, ces placements allient rendement, incitations fiscales et impact concret sur la transition écologique, le renouvellement des générations agricoles et la souveraineté alimentaire.
Un placement fertile
Parmi les initiatives en plein essor, Hectarea, Feve (Fermes en vie) ou encore France Valley permettent d’investir directement dans le foncier agricole. “Aujourd’hui, les agriculteurs tirent la sonnette d’alarme : ils se sentent exclus de la société, constate Johanna Sanchez‑Laurenté, responsable marketing chez Hectarea. Il y a une forte envie de reconnexion, et notre mission est justement de retisser ce lien.”
Le principe ? Acheter des terres et les louer à des agriculteurs – souvent jeunes ou en reconversion – en échange d’engagements stricts sur la gestion durable des sols et l’élevage responsable. Accessibles pour quelques centaines d’euros, ces placements de long terme (sept à dix ans) offrent des rendements nets de frais compris entre 1 % et 4 % par an. “Nos investisseurs ne nous rejoignent pas en premier lieu pour le rendement, mais pour aligner leur épargne avec leurs valeurs”, souligne Vincent Kraus, cofondateur de Feve.
S’y ajoutent, selon les cas, une réduction d’impôt sur le revenu équivalente à 25 % du montant investi, voire une plus-value éventuelle à la revente des terres. Au cours des dix dernières années, le prix du foncier agricole en France a en effet progressé de 2,6 % par an en moyenne, selon BNP Paribas. “Le fait de fixer des contraintes environnementales doit permettre d’améliorer la qualité des sols, et donc la valeur de nos propriétés”, explique Arnaud Filhol, cofondateur et directeur général de la société de gestion France Valley.
Il est aussi possible de financer la trésorerie des agriculteurs, comme le propose Turbo Cereal. Cette coopérative achète les récoltes entre un et cinq ans avant leur production, en s’appuyant sur un réseau d’importateurs céréaliers pour assurer les débouchés. En échange d’un investissement minimum de 3 000 euros, les particuliers reçoivent des parts sociales émises par les agriculteurs, que la coopérative rachète ensuite à un montant dépendant de la production, complété d’un dividende éventuel de 2 à 3 %. Turbo Cereal évoque un rendement net potentiel compris entre 6 et 12 %.
Peu de choix en Bourse
Autre option : la plateforme Miimosa, qui propose deux formules. D’un côté, des dons assortis de contreparties : visites, dégustations, produits issus de l’exploitation aidée… De l’autre, des prêts rémunérés – à partir de 100 euros – permettant d’investir dans des fermes ou des PME agroalimentaires, avec une rémunération annuelle brute pouvant atteindre 10 %.
Quid de la Bourse ? Les exploitations agricoles cotées sont rares. On y trouve surtout des entreprises opérant en amont ou en aval de la chaîne de production : Nutrien dans les engrais, John Deere pour le matériel agricole, Corteva pour les semences et la protection des cultures, ou encore Archer Daniels Midland et Bunge dans la transformation, la logistique et le négoce.
Pour les particuliers, Food for Generations, géré par CPR Asset Management, fait partie des rares fonds actions accessibles sur cette thématique. Il couvre l’ensemble de la chaîne de valeur alimentaire – agriculture, gestion de l’eau, produits alimentaires, boissons, distribution et restauration –, avec environ un quart du portefeuille investi dans le secteur agricole. “Ce type d’exposition thématique vise un rendement net de l’ordre de 7 % à 8 % par an”, indique Stéphane Soussan, son gérant.