Huit millions d’euros de fraudes avérées en 2024 et environ 16 000 dossiers litigieux, tels sont les chiffres qui ont conduit l’Etat à suspendre le dispositif MaPrimeRenov’ entre le 1er juillet et le 15 septembre prochains. En parallèle, un projet de loi pour lutter contre les fraudes aux aides publiques est porté par le comité de pilotage des CEE depuis le 11 juin dernier. Le texte comporte plusieurs éléments emblématiques comme le « Name and shame », avec la publication de la liste des entreprises ayant concourus à la réalisation d’opérations non conformes ou la mise en place d’un contrôle visuel à distance grâce à des photos géolocalisées et horodatées.
Et sur ce dernier point, la société Enedger, jeune fintech, pourrait bien détenir la solution. « Entre MaPrimeRenov’ et les CEE, les fraudes représentent environ 500 millions d’euros d’argent public », souligne Guillaume Loizeaud, président et fondateur d’Enedger. « C’est un problème pour le climat qui continue de se réchauffer, pour l’accompagnement des ménages modestes et pour les entreprises sérieuses qui se trouvent pénalisées par la défiance généralisée ainsi créée », ajoute-t-il.
Afin de proposer une réponse globale à un problème systémique, les quatre associés d’Enedger ont commencé par identifier les différents types de fraudes : usurpation d’identité ou d’identifiant RGE, falsification ou duplication de documents comptables, vol de numéro RGE, manipulation du calendrier administratif, etc.
Eviter les usurpations d’identité
Pour y faire face, ils proposent aux artisans et entreprises de travaux d’utiliser leur logiciel. Celui-ci recoupe les informations issues de 80 bases de données (DPE, Qualibat, RGE, Données de valeur foncière, Kbis, Siren, cadastre, données satellites pour les travaux photovoltaïques, etc.), ce qui permet de lutter contre les usurpations d’identités ou de Siret. « Pour éviter les arrangements avec les dates, les devis sont simplement à envoyer par mail à Enedger », détaille ensuite Yann Person, l’un des associés de l’entreprise. Les algorithmes « lisent » alors les informations et là aussi, les recoupent avec les bases de données, pour vérifier, par exemple, qu’un logement concernés par des travaux a fait l’objet d’un DPE quelques années plus tôt. Enfin, une fois le chantier achevé, des photos prises avec l’application sont automatiquement géolocalisées (y compris avec leur altitude pour tenir compte des résidences collectives) et horodatées. « Ce qui évite les cas de fraudes où les entreprises réutilisent plusieurs fois les mêmes photos sur des chantiers différents », reprend l’associé.
Blockchain privée et publique
Concrètement, derrière l’ergonomie du logiciel, ce sont les solutions de trois sociétés expérimentées qui sont mises en œuvre. On trouve ainsi studio OMN, spécialisé dans l’exploitation de l’intelligence artificielle appliquée à la rénovation énergétique. Il y a aussi Ocode, société basée en Vendée qui utilise une blockchain privée et locale (donc moins énergivore), dont l’expertise relève de la gestion de preuve numérique, la traçabilité des biens et la sécurisation documentaire. Chez Enedger, les informations contenues dans la blockchain sont hébergées chez une dizaine d’acteurs différents et français. Enfin, IN Groupe, anciennement l’Imprimerie nationale, est spécialisé dans la sécurisation et la validation d’identité de personnes physiques et morales. Enedger utilise donc la blockchain et l’intelligence artificielle pour vérifier les informations et les sécuriser.
Susciter l’adhésion maximale
Assistant à la présentation de l’outil, le président de la Capeb, Jean-Christophe Repon rappelle « que cela fait deux ans que nous demandons ce type de solution à l’Etat ». Et c’est bien là que réside l’enjeu. Il faut désormais susciter l’adhésion maximale de la part des entreprises de travaux. Pour cela, le tarif d’utilisation est de 15 euros/chantier. Mais si tous ne s’approprient pas l’outil, sa puissance s’en trouvera fortement diminuée. La puissance publique pourrait aussi décider de rendre l’usage de ce type de solution obligatoire.