Un “fléau de santé publique”. C’est avec ces mots que les Unions régionales de professionnels de santé-Médecins libéraux (URPS-Médecins libéraux) dénonçaient l’impact du cadmium dans une tribune publiée le 2 juin dernier. Ils alertaient ainsi sur la menace de l’exposition massive des Français à ce métal lourd toxique et cancérigène présent dans de nombreux aliments du quotidien. Dans un “contexte d’urgence sanitaire parfaitement documentée scientifiquement”, les médecins appelaient le gouvernement à agir face à ce risque largement sous-estimé. En France, près de la moitié de la population adulte aurait un niveau de concentration en cadmium supérieur à celui recommandé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), révélait Santé Publique France dans une étude publiée en 2021. Voici ce qu’il faut savoir sur cette substance nocive.
Qu’est-ce que le cadmium et quelles sont ses conséquences sur la santé ?
Le cadmium est un métal toxique cumulatif, ce qui signifie qu’il s’accumule dans l’organisme au fil du temps. C’est cette accumulation qui est néfaste pour la santé. La “dose journalière tolérable” définie par l’Anses est de 0,35 microgramme de cadmium par kilogramme de poids corporel par jour. Pour un adulte de 70 kg, par exemple, cela correspond à 24 microgrammes par jour. Dans un numéro de Zone Interdite dédié au cadmium et diffusé sur M6 le 26 janvier 2025, une journaliste du magazine Que-Choisir avait fait réaliser des analyses sur un menu journalier type (un petit-déjeuner, un déjeuner et un dîner). Les résultats montraient que ce menu classique contenait 33,4 microgrammes de cadmium, dépassant ainsi le seuil journalier.
Mais concrètement, quels sont les risques de ce métal lourd pour la santé ? Le cadmium est classé dans la catégorie des agents cancérogènes chez l’homme par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). Santé Publique France ajoute qu’il “s’accumule en particulier dans le pancréas et est suspecté de jouer un rôle dans l’accroissement majeur et extrêmement préoccupant de l’incidence du cancer du pancréas”. L’exposition au cadmium peut également avoir des effets osseux, rénaux et cardiovasculaires, mais aussi neuro-développementaux chez les enfants.
Pourquoi retrouve-t-on du cadmium dans nos assiettes ?
Le cadmium est présent naturellement dans les sols, mais sa présence est accentuée par les activités industrielles et agricoles, notamment l’utilisation de certains engrais. Comme l’expliquait Zone Interdite, l’engrais à base de phosphate utilisé en France vient principalement du Maroc et est particulièrement riche en cadmium. D’ailleurs, “une sur-imprégnation était observée dans la population (…) par rapport aux autres pays européens, et nord-américains”, précisait Santé Publique France dans son étude.
Dans une interview accordée à Libération, Jean-Yves Cornu, chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae), précise cependant que “les engrais phosphatés sont un des entrants de cadmium, mais, souvent, ne sont pas la source majoritaire”. Alors, d’où vient la contamination des sols ? “De la pollution atmosphérique issue de l’activité industrielle des XIXe et XXe siècle qui a contaminé tous les sols d’Europe”, explique Thibault Sterckeman, également chercheur à l’Inrae. “Quand on rajoute des engrais phosphatés, on augmente donc la réserve de cadmium déjà présente dans le sol”, ajoute-t-il dans les colonnes du quotidien.
Quels sont les aliments les plus contaminés au cadmium ?
Le cadmium contamine donc les sols, puis les végétaux, qui se retrouvent ensuite dans notre assiette. L’Anses indique que les produits qui en contiennent le plus sont les légumes, les pommes de terre et le pain, à cause du blé qui le compose. Zone Interdite avait d’ailleurs fait réaliser des analyses sur 41 pains de variétés différentes achetés dans une vingtaine de villes françaises et avait découvert qu’ils contenaient tous sans exception des traces de cadmium.
Mais ce ne sont pas les seuls aliments à renfermer ce métal lourd. L’Anses indique que l’on retrouve également du cadmium dans les crustacés, les mollusques, les abats, les biscuits sucrés et salés, ainsi que les barres de céréales et le chocolat. L’étude réalisée par Santé Publique France indiquait d’ailleurs que “chez les enfants, la consommation des céréales au petit-déjeuner augmentait les niveaux d’imprégnation par le cadmium”. Du côté des adultes, c’est la consommation de tabac qui en était le premier responsable, mais également celle de coquillages et de crustacés.
Est-il possible de réduire notre exposition au cadmium ?
Il existe certains réflexes à connaître pour limiter notre exposition au cadmium. L’Association santé environnement France indique que cela passe notamment par la réduction du tabac, mais aussi par l’assiette. Il est ainsi recommandé de limiter sa consommation de pommes de terre, de céréales, de pâtes, de pain, mais aussi de privilégier les produits bio, qui contiennent “48% de cadmium en moins en moyenne”, ou encore de miser sur une alimentation riche en fibres pour diminuer l’absorption intestinale du cadmium.
Le 4 juin 2025, sur FranceInfo, le Dr Pascal Meyvaert, médecin généraliste et coordinateur du groupe “Santé environnementale” de la Conférence nationale des URPS, recommandait de surveiller l’origine des aliments, de diversifier son alimentation et de faire “le plus confiance possible au label ‘bio’, si vos finances le permettent”. Bien que la question du bio soit souvent débattue, une étude du British Journal of Nutrition publiée en 2014 a constaté que ces produits contenaient moins de résidus de pesticides et moins de métaux toxiques, dont le cadmium. “La fréquence des résidus de pesticides s’est avérée quatre fois plus élevée dans les cultures conventionnelles, qui contenaient également des concentrations nettement plus élevées de cadmium”, précisait-elle.
Au-delà des mesures de prévention individuelles, l’Anses indique que pour réduire notre exposition au cadmium, “il apparaît indispensable de maîtriser l’apport en cadmium par les activités agricoles, et en particulier lors de l’épandage de matières fertilisantes dont les engrais minéraux phosphatés”. Elle recommande ainsi que leur concentration en cadmium soit inférieure à 20 milligrammes par kilogramme. “Plusieurs pays européens (Finlande, Slovaquie…) ont déjà adopté pour leurs territoires des valeurs de 20mg/kg, préconisées par l’Anses”, souligne l’Association santé environnement France sur son site. Or, actuellement, la France autorise l’utilisation d’engrais contenant jusqu’à 60 mg de cadmium par kilo.
Cependant, même si ces seuils viennent à être abaissés, “il y aura toujours un stock qui va continuer à être absorbé par les plantes. Donc en attendant que cette réserve s’épuise, et cela va prendre du temps, il vaut mieux cultiver des plantes qui en accumulent moins”, expliquait Thibault Sterckeman, spécialiste de la pollution des sols à l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae), à Radio France.
Retrouvez plus d’informations dans le replay du numéro de Zone Interdite “Pain, fruits, légumes : révélation sur un nouveau scandale alimentaire” diffusé le 26/01/25 à 21h10 sur M6.
Sources :
- Cadmium dans l’alimentation : “On aurait intérêt à diminuer les teneurs dans les engrais, mais ça ne serait pas suffisant” – Libération (15/06/25)
- Les médecins alertent sur l’exposition des enfants au cadmium, un métal lourd cancérigène – Franceinfo – 4 juin 2025
- Zone Interdite – “Pain, fruits, légumes : révélation sur un nouveau scandale alimentaire” (26/01/25) – Voir le replay sur la plateforme M6+
- Imprégnation de la population française par le cadmium. Programme national de biosurveillance, Esteban 2014-2016 – Santé Publique France – 01/07/21
- Qu’est-ce que le cadmium et comment réduire son exposition ? – Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) – 04/12/2023
- Brèves spécial Cadmium : l’ASEF lance l’alerte sur les risques liés au cadmium – Association santé environnement France – 14/12/23
- Cadmium : quasi la moitié des adultes et un enfant sur cinq dépassent les seuils de sécurité – Radio France – 30/11/23
- Higher antioxidant and lower cadmium concentrations and lower incidence of pesticide residues in organically grown crops: a systematic literature review and meta-analyses – British Journal of Nutrition – Juin 2014