Selon Google en décembre, son modèle GenCast, entraîné sur des données historiques, s’est montré capable de prévoir la météo et des événements extrêmes sur une période de 15 jours avec une précision inégalée. Si GenCast avait été opérationnel en 2019, il aurait, pour plus de 1.300 désastres climatiques, dépassé dans 97 % des cas les prévisions de la référence mondiale, le Centre européen de prévisions météorologiques à moyen terme.
Un autre modèle baptisé Aurora et développé par un laboratoire de Microsoft à Amsterdam, toujours sur des données historiques, est devenu le premier modèle IA à systématiquement mieux prédire la trajectoire à cinq jours de cyclones que ne l’avaient fait sept centres de prévisions étatiques, selon des résultats publiés mercredi dans la revue scientifique de référence Nature. Pour Doksuri en 2023, le plus coûteux typhon du Pacifique à ce jour (plus de 28 milliards de dollars de dégâts), Aurora a été capable de déterminer avec quatre jours d’anticipation que la tempête allait frapper les Philippines alors que les prévisions officielles de l’époque le voyaient se diriger au nord de Taïwan.
Une échelle de quelques centaines de mètres
« Dans les cinq à dix prochaines années, le Saint Graal consistera à construire des systèmes capables de travailler directement avec des observations », satellites ou autres, « afin de générer des prévisions à haute résolution partout où nous le souhaitons », alors que nombre de pays sont dépourvus à ce jour de système d’alertes fiables, a déclaré Paris Perdikaris, l’auteur principal d’Aurora, dans une vidéo publiée par Nature.
« On va peut-être pouvoir calculer plus souvent par jour nos prévisions. »
Il était prévisible que les modèles d’IA rivaliseraient un jour avec les modèles physiques classiques, mais « on ne pensait pas que ça arriverait aussi tôt », raconte Laure Raynaud, chercheuse IA à Météo-France, en plein développement de la déclinaison IA de ses modèles Arpège et AROME.
Grâce aux gains de rapidité et de qualité, « on va peut-être pouvoir calculer plus souvent par jour nos prévisions », notamment pour les orages, dévastateurs et très difficiles à prévoir, explique la chercheuse. Météo-France vise des prévisions avec IA à une échelle de quelques centaines de mètres.
Le centre européen ECMWF développe aussi son modèle IA, « à peu près 1.000 fois moins coûteux en temps calcul que le modèle physique » traditionnel, dit à l’AFP Florence Rabier, directrice générale du centre qui fournit des prévisions à 35 pays d’Europe. Ce modèle d’IA produit pour l’heure des prévisions à une échelle d’environ 30 km², certes moins fine que celles d’Aurora (environ 10 km²), mais sa première version est déjà une réalité opérationnelle, entre les mains depuis février des prévisionnistes nationaux, chargés d’établir les alertes pour les populations. Et qui ne sont pas près de disparaître, souligne Laure Raynaud : « on aura toujours besoin de prévisionnistes pour expertiser la donnée ».