La bande franco-anglaise menée par Lætitia Sadier et Tim Gane revient aux affaires avec “Instant Holograms on Metal Film”. Et rappelle combien elle a influencé tout un pan du monde musical en son absence.
Lors des années 2010, le phénomène s’est répété à plusieurs reprises. De My Bloody Valentine à Slowdive en passant par Mazzy Star ou Ride, plusieurs formations synthétisant le son des nineties ont fait leur retour avec des morceaux originaux, après plus d’une décennie de hiatus ou de silence discographique. Dans une époque où la nostalgie se voyait recyclée en un laps de temps de plus en plus court, tout semblait réuni pour que ces groupes de quadra et de quinquagénaires, portés par leurs pulsions créatrices, puissent jouir créativement et économiquement de leur statut culte – et accessoirement sortir parmi les meilleurs morceaux de leurs carrières respectives.
Actif jusqu’à l’aube des années 2010 et autrement plus productif, Stereolab arrive en queue de comète de ce phénomène. Si Instant Holograms on Metal Film est le premier disque depuis quinze ans de la formation emmenée par Lætitia Sadier et Tim Gane, le groupe franco-anglais opère selon son propre timing – à rebrousse-poil, à l’instar de ses propres morceaux, pop mais labyrinthiques. Car, à l’inverse de Slowdive, profitant rétroactivement d’une sorte de réenchantement du désenchantement des années 1990, Stereolab n’est jamais vraiment parti.
Des rythmiques motorik, des mélodies sublimées et des aphorismes à la Debord
Sur ce nouvel album, le sentiment que leur musique et leur discours ont durablement infiltré, l’air de rien, tout un pan de la musique contemporaine plus ou moins mainstream – sans jamais y avoir pris véritablement part – affleure constamment. C’est le pouvoir intact de cette musique effacée et hyper-expressive : de la library music marxiste ou situationniste, de la pop littéralement révolutionnaire.
S’il s’agit d’une coïncidence, voir Stereolab revenir au cœur d’une crise politique d’envergure, redéployant son rôle de passeur de rythmiques motorik, de mélodies sublimées et d’aphorismes debordiens, produit un effet saisissant. À la fois mirage rétrofuturiste et disque de son temps (Stereolab réfléchit toujours au futur), Instant Holograms on Metal Film vient prendre le relais d’un Dots and Loops (1997), qui avait infusé chez Tyler, the Creator, Pharrell, Madlib ou Toro Y Moi, pour inciter une nouvelle génération de musicien·nes et de mélomanes à rêver de nouvelles utopies musicales.
Instant Holograms on Metal Film (Duophonic UHF Disks/Warp/Kuroneko). Sortie le 23 mai. En concert au Trianon, Paris, le 4 juin.