(Agence Ecofin) – Depuis le 1er mai 2025, les étrangers ne sont plus autorisés à acheter ou vendre directement de l’or au Ghana. Grâce à un délai de dernière minute, les opérateurs locaux, eux, ont jusqu’au 21 mai pour obtenir une licence de négoce auprès du GoldBod. Abréviation de Ghana Gold Board, cette nouvelle institution incarne les réformes engagées dans le secteur aurifère par le président John Dramani Mahama, entré en fonction le 7 janvier 2025.
Après un examen et un vote au parlement ghanéen, le président Mahama a promulgué, le 2 avril dernier, la loi créant le GoldBod. Sur son site web, l’organisme se présente comme la seule autorité disposant des droits exclusifs pour acheter, vendre et exporter l’or ainsi que d’autres minéraux précieux au Ghana. Il faut néanmoins préciser que son mandat concerne l’exploitation minière artisanale et à petite échelle, les compagnies minières présentes dans le pays conservant les droits d’exporter elles-mêmes la production de leurs mines industrielles. Neuf d’entre elles ont néanmoins déjà conclu des accords pour vendre 20 % de la production des mines au GoldBod.
Un simple outil de plus ?
Malgré les discours des officiels ghanéens, il est difficile de ne pas voir dans le GoldBod un énième outil de régulation du secteur aurifère local. La nouvelle entité n’est en réalité pas tout à fait nouvelle, puisqu’elle hérite notamment des droits, obligations, ainsi que du personnel de la Precious Minerals Marketing Company (PMMC) qui remplissait jusqu’ici certaines missions du GoldBod. Quant à la PMMC, elle est l’héritière d’autres organismes similaires dont l’origine remonte à 1963 avec la création d’un bureau de commercialisation des diamants.
Mais le GoldBod ne se limite pas à une simple reprise : il élargit aussi son champ d’action. En plus d’acheter l’or, il est désormais chargé de délivrer les licences de négoce aux acteurs locaux, d’analyser la pureté du métal, de promouvoir le raffinage et de soutenir la transformation locale. Pour ses détracteurs, cette fusion des prérogatives suscite des interrogations. Ils dénoncent une précipitation dans le processus de création, s’inquiètent de son mécanisme de financement et redoutent un conflit d’intérêts. L’État, régulateur et concurrent des opérateurs privés qu’il autorise à exercer, serait juge et partie.
Du côté du gouvernement, cette concentration des pouvoirs vise à corriger une fragmentation institutionnelle coûteuse. Le Ghana perdrait chaque année 2,3 milliards de dollars du fait de la contrebande d’or, selon le Wilson Center. Jusqu’ici, la Minerals Commission délivrait les licences, pendant que la PMMC assurait l’analyse et le négoce. Désormais, le GoldBod centralise l’ensemble du processus.
Côté financement, le ministre des Finances Cassiel Ato Forson a dévoilé un budget équivalent à 279 millions de dollars pour permettre au GoldBod de lancer ses activités. Objectif : garantir l’achat d’au moins trois tonnes d’or par semaine auprès des mineurs artisanaux. Mais cette enveloppe, supportée par le contribuable ghanéen, a aussitôt été critiquée par l’ancien ministre Mohammed Amin Adam. Pour lui, il s’agirait d’un détournement déguisé au profit des cadres du parti au pouvoir, le National Democratic Congress.
« Nous n’avons jamais financé le programme d’achat d’or ou le programme ‘’or contre pétrole’’ à partir du budget. Cela ne s’est jamais produit et donc, à notre avis, financer le GoldBod à partir du budget revient à mettre de l’argent à la disposition des proches du NDC », a expliqué M. Adam, désormais dans l’opposition.
Les promesses de Sammy Gyamfi
Depuis son lancement, le GoldBod multiplie les gestes pour crédibiliser sa mission. En première ligne, son dirigeant Sammy Gyamfi (photo), un avocat de 36 ans membre du parti au pouvoir, adopte une stratégie fondée sur la concertation et la transparence avec les acteurs du secteur. En avril, l’institution a réuni la Chamber of Bullion Traders pour discuter du mécanisme de fixation des prix. L’enjeu est crucial dans un contexte de hausse des cours mondiaux et de concurrence des acheteurs illégaux. Le 15 avril, ce sont les mineurs artisanaux à petite échelle qui ont été reçus. Ils ont plaidé pour des prix équitables et sollicité un appui logistique afin de sécuriser leurs activités.
Commissioned by H.E. @JDMahama on 11th November, 2016; but abandoned in the last 8 years by the previous NPP administration.
This is the sad story of the biggest Gold refinery in West Africa, located here in Accra, Ghana- Gold Coast refinery. pic.twitter.com/YID2flsDL5
— Ghana GOLDBOD (@GhanaGOLDBOD) April 10, 2025
En parallèle, le GoldBod a relancé les discussions avec Gold Coast Refinery, la plus grande raffinerie d’or d’Afrique de l’Ouest, inaugurée en 2016, mais restée inactive. Ce partenariat doit permettre de transformer localement l’or collecté, avec pour ambition de passer rapidement de l’exportation de « doré » à celle de lingots raffinés. À cette fin, le GoldBod détient désormais une participation gratuite de 15 % dans l’infrastructure et vise à terme une accréditation LBMA (London Bullion Market Association).
A quelques jours du démarrage officiel de ses activités, l’institution a annoncé l’arrestation, le 29 avril, de trois ressortissants indiens accusés de contrebande d’or sous couvert d’une société-écran. L’opération a permis la saisie de 4,36 kg d’or et de plus de 133 000 dollars.
Ces premières initiatives donnent le ton d’une volonté de rupture avec le passé. Reste à voir si elles produiront des résultats concrets et durables.
Emiliano Tossou
Lire aussi: