« Si je ne gagnais pas ma vie, j’arrêterais »
Matthieu Gauthier a repris le Biau jardin de grannod en 2016. « Quand mon père est arrivé ici en 1979, il cherchait surtout un cadre de vie, raconte le maraîcher. Il s’est installé avec des chèvres à faire trois légumes. Depuis, j’ai multiplié par cinq la production. C’est deux échelles différentes. »
Mais toujours en bio. « On travaille avec l’environnement et ce qui nous entoure pour faire en sorte que la Terre ait un avenir pour nos enfants. Par exemple, je serai incapable de couper le chêne parce qu’il capte l’eau et fait de l’ombre sur nos serres. »
« L’objectif est de stabiliser »
La ferme représente maintenant 40 hectares de surface développée et 7 500 m2 de serres. Entre 40 et 60 végétaux sont produits par an et les ventes s’enchaînent chaque semaine. « J’ai encore fait une croissance à 25 % en 2024. Je vais être un peu plus pris par les banques, mais je continue à faire ce que je veux. Aujourd’hui, l’objectif est de stabiliser. »
Pour suivre le rythme avec ses salariés, l’agriculteur a dû amener de la mécanisation. « C’est aussi un confort, que ce ne soit pas trop physique et pour trouver du personnel plus facilement. Mais la mécanisation et la croissance représentent un peu une spirale. »
Il insiste sur la viabilité économique. « Je fais ce métier par passion, mais si je ne gagnais pas ma vie, j’arrêterais. »
Sur la “crise du bio”, il ne la sent pas, mais la voit, notamment sur les élevages de porcs ou les exploitations céréalières, sans soutien des grandes surfaces et dont le modèle n’a pas changé lors de la transition de label. La coopérative Bio a pro, dont il est le vice-président, est en croissance de 47 % sur 2024, avec la création de dix contrats à durée indéterminée. « La filière bio est en difficulté, mais comme toute filière agricole qui ne maîtrise pas sa chaîne. Cette crise a aussi été un peu poussée dans les médias pour casser l’image du bio. Il y a une rivalité avec les conventionnels à qui récupérera les plus grandes enveloppes dans la politique agricole commune (PAC). »
« Ça nous rend plus résilient »
Il tient à évoquer le prix du bio, plus cher à l’achat. « Mais c’est moins en coût pour le contribuable. Moins de frais de dépollution. Moins de frais de santé. L’économie passe par là. »
Pour Matthieu Gauthier, « la clé de la réussite » est d’être maître de son entreprise. « Ne pas rester sur ses acquis et se diversifier. Ça nous rend plus résilient. Les agriculteurs ne s’enrichissent pas, mais c’est une des seules professions où on a un patrimoine. Il faut faire attention à tout ça, car on arrive encore à régresser sur la protection de l’environnement. »
E. V