Les assurtechs sont responsables de 34% des montants collectés par le secteur de la fintech en 2024. Une performance étonnante quand on connait les déboires récents de certains représentants du secteur.
Dans le monde de la French tech, et plus particulièrement celui de l’assurtech, le mois de septembre a marqué les esprits en 2024. Le 16 septembre, Akur8 annonçait une levée de fonds de 108 millions d’euros. Le 20 septembre, seulement quatre jours plus tard, c’était au tour d’Alan d’annoncer un financement de 173 millions d’euros. Les tours de table supérieurs à 100 millions d’euros se sont raréfiés pour les start-up françaises. Alors deux méga tours en quatre jours pour deux boites du même sous-secteur, c’est forcément un petit exploit.
Si ces deux grosses opérations ont attiré l’attention, elles ne sont pas isolées. D’autres représentants de l’assurtech ont également conclu de belles levées de fonds en 2024, comme Neat (50 millions d’euros), Qantev (30 millions d’euros), Fasst (27 millions d’euros) ou encore Stoïk (25 millions d’euros). Au total, les assurtechs sont responsables de 34% des montants récoltés par la fintech en 2024 d’après France FinTech. Pourtant, elles ne représentent en nombre que 12% du secteur (toujours selon France FinTech).
Le succès des jeunes pousses de l’assurance auprès des investisseurs est plutôt surprenant quand on connait les déboires récents connus par d’autres représentants du secteur. Luko, qui fut pendant longtemps l’un des porte-drapeaux de l’assurtech, a été placé en redressement judiciaire en novembre 2023. Syoux et Dreamquark ont connu le même sort en 2024 tandis que Qiti, de son côté, n’a pu éviter la liquidation judiciaire. Malgré ces exemples de défaillance, les investisseurs n’hésitent pas à remettre la main à la poche pour financer d’autres assurtechs. Surprenant n’est-ce pas ? Il y a pourtant des raisons qui expliquent ce paradoxe.
Le BtoB, le relais du BtoC
Sur ces quatre exemples d’entreprise qui ont connu des difficultés, trois d’entre elles opèrent en BtoC. Or, comme le rappelle Arthur Bernard, fondateur du fonds Athetico Ventures, “les coûts d’acquisition dans le BtoC sont importants et les marges parfois peu élevées”. “Dans l’assurance, on a incité les acteurs qui opéraient en BtoC à grandir très vite pour concurrencer les assureurs historiques. Certains d’entre eux ont opté pour une croissance agressive et l’ont payé quand le marché s’est retourné”, ajoute Louis Sautet, directeur des investissements chez Founders Future. Un scénario subi par Luko dont le fondateur avait confié au JDN que la stratégie d’hypercroissance de ce spécialiste de l’assurance habitation avait en partie précipité sa chute.
“Pour nous, c’était plus simple de lever des fonds en 2024 qu’en 2021”
Quand on regarde les belles levées de fonds de 2024 que nous avons mentionnées précédemment (Alan, Akur8, Neat, Qantev, Fasst, Stoïk), il ne s’agit que d’acteurs qui distribuent leur solution en BtoB (ou BtoBtoC). “En 2020/2021, les fonds regardaient essentiellement les néocourtiers et les néoassureurs. Mais ces acteurs ont besoin de temps pour être rentables et le financement s’est contracté. Les investisseurs se sont alors tournés vers du BtoB et du SaaS. Ce sont des business models qu’ils connaissent mieux”, raconte Benoît Pastorelli, fondateur de Continuity, une assurtech qui a levé 10 millions d’euros en juin dernier pour son logiciel d’évaluation des risques IARD. “Je pense que le succès de Shift Technology a montré qu’une assurtech pouvait réussir sans faire du BtoC. Pour nous, c’était plus simple de lever des fonds en 2024 qu’en 2021”, confie le dirigeant. “Les modèles BtoB ont plutôt tendance à rassurer les investisseurs”, confirme de son côté Arthur Bernard.
Besoin de transformation
Si les assurtechs séduisent les investisseurs, c’est aussi parce que l’assurance “est un secteur un peu en retard sur l’innovation qui a besoin d’être transformé par la tech”, indique Benoît Pastorelli. “On a vu des grands groupes qui n’ont pas hésité à collaborer avec des assurtechs pour bénéficier d’une expérience client fluide alors qu’ils traitaient exclusivement avec des acteurs traditionnels. Par exemple, Décathlon ou Afflelou travaillent maintenant avec l’assurtech Neat”, remarque Louis Sautet.
Enfin, l’assurtech étant un secteur assez jeune, de nombreuses verticales ne sont pas encore soumises à une forte concurrence et certaines start-up ont le champs libre sur leur marché : “Des entreprises comme Stoïk, spécialiste du risque cyber, ou Dalma, l’assurance santé des animaux, ont pu convaincre les investisseurs car pour nous c’est rassurant quand un domaine n’est pas bouché”, poursuit Louis Sautet. C’est en partie pour cette raison que Founders Future et Athletico Ventures ont investi dans le spécialiste de l’assurance embarquée Neat : “Leur segment de marché est peu disrupté”, conclut Arthur Bernard.